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Arts et culture

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Culture
30 avril 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Article rédigé par Aïcha Ducharme-LeBlanc – Cheffe du pupitre Arts et culture

La région d’Ottawa compte peu de maisons d’édition francophones. Celles qui existent ont cependant une mission commune : publier et promouvoir des ouvrages dans la langue de Molière, afin de faire retentir les voix des auteur.ice.s issu.e.s de cette communauté linguistique, en Ontario et partout ailleurs au Canada. 

Les établissements Éditions David et Éditions L’Interligne ont connu une année particulièrement difficile en raison de la pandémie, notamment en ce qui concerne la possibilité de lancer et de distribuer commercialement leurs publications. Lisanne Rheault-Leblanc, agente de communication dans la seconde maison d’édition, s’estime reconnaissante de la solidarité du lectorat, et voit en cela un témoignage du soutien plus large de la communauté aux maisons d’édition francophones.

Histoires de fondation 

L’existence des Éditions L’Interligne remonte à 1981, partage Rheault-Leblanc. Celle-ci aurait été fondée pour assurer la publication continue de la revue des arts Liaison. Cependant, « au fil des années [les éditions] se sont diversifiées et ont commencé à publier des livres plus patrimoniaux sur l’Ontario français », affirme-t-elle. Cette diversification de contenu s’est poursuivie grâce à la publication d’essais, de contes, de romans et de recueils de poésie ; aujourd’hui, plus de 500 ouvrages et plusieurs collections y ont vu le jour. 

Marc Haentjens, Directeur général des Éditions David depuis 2009, qualifie quant à lui d’« amusante » l’histoire de la naissance de l’établissement dans lequel il travaille. En effet, son fondateur, Yvon Malette, ancien professeur à l’Université d’Ottawa, a créé la maison d’édition pour publier en 1994, sa propre thèse nommée L’autoportrait mythique de Gabrielle Roy. Par la suite, ayant reconnu le besoin de fonder un autre établissement d’édition francophone à Ottawa, il a entamé la publication d’œuvres d’autres auteur.ice.s de la région. Haentjens souligne que les Éditions David proposent huit collections, et que 415 titres ont été diffusés depuis sa création. 

Publier et éditer

Les équipes des deux maisons d’édition sont considérées comme étant petites, puisqu’elles comptent chacune quatre employé.e.s. Toutefois, ces dernier.ère.s travaillent d’arrache-pied pour proposer jusqu’à quinze titres par année.

Haentjens rappelle que le processus qui mène à la publication d’un livre représente bien une « expérience personnelle », partagée entre éditeur.ice et auteur.ice. Selon lui, cette relation est marquée par une complicité particulière, et n’est pas nécessairement faciles car elle comporte de nombreuses étapes. « Chaque livre est un projet. D’abord, on a un manuscrit, que l’on doit travailler. Ensuite, on réfléchit à la présentation du livre, qui est la couverture et le format. Et puis, il y a la promotion », poursuit-il. 

Rheault-Leblanc relève le souci d’inclusivité et d’originalité qui motive les éditeur.ice.s, deux préoccupations qu’elle qualifie de « contemporaines ». « On est ouvert.e.s à la multitude de voix et on recherche des regards uniques », indique-t-elle. 

C’est cette recherche en faveur de la singularité qui a conduit les éditions à publier des ouvrages très créatifs au fil des années. Rheault-Leblanc en distingue quelques-uns : les romans de science fiction, Dévorés et Métamorphoses de Charles-Étienne Ferland, la pièce de théâtre Havre de Mishka Lavigne, et le roman J’irai danser sur la tombe de Senghor de Blaise Ndala. Haentjens souligne lui aussi quelques publications vedettes, notamment, l’essai Passer de la ville à la cité rédigé par le Maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, et le roman L’Isle aux abeilles noires d’Andrée Christensen

Contexte minoritaire

Haentjens et Rheault-Leblanc sont convaincu.e.s que les maisons d’édition de langue française sont essentielles dans un milieu tel qu’Ottawa, au sein duquel les francophones sont minoritaires. D’après Haentjens, s’il n’y avait pas de maison d’édition francophone, les auteur.ice.s ottavien.ne.s seraient dépourvu.e.s d’opportunités dans la province, et ainsi obligé.e.s de se tourner vers le Québec. 

Le Directeur général juge que « tant qu’un livre n’est pas publié, il n’existe pas », et qu’il incombe à l’éditeur.ice de lui donner vie. Ainsi, une maison d’édition francophone stimule les auteur.ice.s de la diaspora francophone, en leur donnant une voix, et en s’assurant que celle-ci soit entendue. 

Rheault-Leblanc aborde finalement l’enjeu principal de la communauté francominoritaire : le fait que la langue française n’est pas parlée par la majorité des gens. La communauté ne se voit donc pas reflétée au sein de la société, alors qu’« avoir un espace où ils.elles [ses membres] peuvent créer et publier dans leur propre langue […], c’est une façon de renforcer son existence », estime-t-elle. Pour l’agente de communication, la continuité de la vitalité francophone réside dans le fait que les personnes parlant le français puissent se reconnaître dans les textes qu’ils.elles lisent ; mission que les maisons d’édition francophone tendent à accomplir. 

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