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Et ici, que pense-t-on de la monarchie ?

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11 avril 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Article rédigé par Anna Meurot – Journaliste

Ce vendredi 9 avril 2021, le Prince Philip, Duc d’Édimbourg et époux de la reine Élisabeth II, s’est éteint à l’âge de 99 ans. À cette occasion, François Rocher, professeur de sciences politiques à l’Université d’Ottawa, et Marie-France Fortin, chercheuse et enseignante en droit dans la même institution, reviennent sur ce que représente la couronne britannique au Canada.

Suite à la polémique concernant Julie Payette, et à l’entrevue de Meghan Markle et du Prince Harry avec Oprah Winfrey en mars dernier, la royauté britannique s’est retrouvée sous le feu des projecteurs à travers le monde. En effet, d’après un sondage publié le 16 mars dernier par Leger, 52 % des Canadien.ne.s l’associent à un symbole négatif pour le pays, et 26 % sympathisent avec la famille royale.

Héritage et opinion

Selon Rocher, le Québec semble largement vouloir se débarrasser de la monarchie. Un clivage qui peut s’expliquer par une rancœur face à une défaite historique du Canada français et au passé colonial qui survit au travers des institutions, explique le professeur. 

Dans cette province, 72 % des répondant.e.s voient la monarchie comme un symbole négatif, contre 45 % en Ontario. Quant aux interrogé.e.s issu.e.s du Manitoba et de la Saskatchewan, 56 % d’entre eux.elles y voient un symbole positif. Ces chiffres permettent de déceler un certain attachement du Canada anglais à la figure sympathique et respectée de la reine, qui occupe le poste de Cheffe d’État depuis 1954, soit 67 ans, rappelle le professeur.

Réalité institutionnelle

Rocher évoque la méconnaissance de la population face au rôle de la Couronne dans le système politique canadien. Selon lui, si un sondage était effectué pour connaître la préférence de la population en termes de système politique, une grande partie voudrait que le.la chef.fe d’État devienne le.la premier.ère ministre, et que le.la Gouverneur.e général.e disparaisse. Un choix qui faciliterait la compréhension du système certes, mais qui pourrait s’avérer dangereux, souligne-t-il.

Il aborde notamment le rôle barrière du.de la Gouverneur.e général.e face au « pouvoir faramineux que détient le.la premier.ère ministre », et aux potentiels excès que cela implique. Le professeur insiste donc la nécessité d’un tel contre-pouvoir, dont le nombre est très faible au Canada. 

De son côté, Fortin met en lumière le récent changement dans les règles de succession au trône britannique, qui a remis sur le tapis la question de la place de la Couronne dans les décisions politiques canadiennes. Elle explique qu’en 2020, la Cour d’appel du Québec a cherché à savoir si la modification des règles de succession au trône en Angleterre impliquerait de modifier la Constitution canadienne. Il en a été conclu que « la modification constitutionnelle n’était pas nécessaire en partie parce que les règles de succession au trône britannique ne font pas partie du droit constitutionnel canadien ». Ainsi, la succession au trône en Angleterre serait implémentée de façon symétrique, et le.la prochain.e monarque britannique deviendrait le.la nouveau.elle Chef.fe d’État au Canada.

Avenir de la monarchie

La réalité institutionnelle n’écarte donc pas les débats d’opinions publiques quant au rôle de la monarchie. Dans sa chronique d’opinion publiée en février dernier dans Le Devoir, Konrad Yakabuski exprimait la croissance de l’aversion québécoise pour la Couronne. Selon lui, « l’époque où les Canadien.ne.s anglais.e.s. auraient été réfractaires à l’abolition de la monarchie est bel et bien révolue », et il soutenait positivement cette évolution.

Rocher et Fortin s’accordent pour décrire une réforme possible, mais excessivement complexe. Le professeur et l’enseignante soulignent que la décision de changer de système politique devrait résulter d’un accord unanime entre toutes les assemblées législatives provinciales en addition au Parlement canadien. Yakabuski déplore cependant l’abandon d’un débat qu’il décrit comme fondamental pour la démocratie, et rappelle qu’un symbole colonial si important constitue une barrière à « la réconciliation avec les peuples autochtones, premières victimes de la colonisation ».

Le débat sur la place de la monarchie au Canada reste sain et plausible d’après Fortin, puisqu’il est prévu dans la loi constitutionnelle de 1982. Rocher met cependant en garde face à un désir d’abolir une institution, sans proposer d’alternative durable à celle-ci.

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