Inscrire un terme

Retour
Arts et culture

« Qui suis-je ? » : Les tests de personnalité en ligne

Dawson Couture
2 avril 2022

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Article rédigé par Dawson Couture – Journaliste

Aujourd’hui, les tests de personnalité sont omniprésents. Que ce soit pour se divertir ou apprendre à mieux se connaître, ces exercices se sont infiltrés dans la culture populaire. En décidant d’entreprendre un de ces tests, par contre, l’individu moyen est-il assez informé pour comprendre les implications des résultats ? Existe-t-il des effets néfastes cachés sous la surface ?

Patrick Gaudreau est professeur titulaire de psychologie à l’Université d’Ottawa (U d’O) et spécialiste en psychologie de la personnalité. Selon lui, les utilisateur.ice.s de tests de personnalité populaires en ligne ne sont pas informé.e.s de la nature spéculative des résultats. « Les risques sont malheureusement réels », clame-t-il.

Gaudreau constate que ce phénomène s’étend aux tests de personnalité scientifiques, tel que le Myers Briggs Type Indicator, offerts en ligne au grand public. Selon lui, les sites web qui font de l’auto-diagnostic « offrent trop peu de garantie et de contrôle de qualité pour que l’on puisse leur faire aveuglément confiance ».

Mesure scientifique versus analyse spéculative

Jean Gagnon est psychologue clinicien et professeur titulaire de psychologie à l’Université de Montréal (U de M). Il soutient que la personnalité est un concept ambigu qui peut néanmoins être mesuré grâce à des tests psychologiques. Le psychologue enseigne à ses étudiant.e.s de doctorat qu’une évaluation psychologique devrait inclure un nombre élevé de tests et d’observations afin de créer un profil fidèle de l’individu.

Gaudreau renchérit en affirmant que le processus pour développer et valider un test psychologique est un exercice rigoureux qui nécessite habituellement une année complète de travail. « Ce n’est pas improvisé sur le coin d’une table », atteste-t-il. Le professeur de l’U d’O estime que le travail n’est jamais terminé, car la validité de l’outil dépend toujours de la population et du contexte pour lesquels il a été développé.

Les tests psychologiques de personnalité sont conçus, selon Gagnon, avec l’objectif de démontrer empiriquement un lien entre une ou plusieurs réponses et un élément de la personnalité d’un individu. Dans les « tests maison », de type Buzzfeed, il souligne que le lien est souvent basé sur de la conjecture ou des sentiments plutôt que des études scientifiques. Dans cette même optique, Gaudreau confirme que les tests populaires « mesurent quelque chose sans pour autant offrir la certitude qu’ils ne mesurent pas également autre chose ».

Ces instruments psychologiques ont donc une portée limitée, selon Gagnon. Ceci est important à noter, ajoute Gaudreau, car la majorité des outils psychologiques offerts en ligne n’ont pas été développés avec l’intention de faire l’auto-diagnostic de la personnalité.

Personnel d’encadrement

La sélection d’un test est seulement la moitié du chemin pour Gagnon. Afin de faire passer un test de personnalité, le professeur de l’U de M confirme qu’il faut pouvoir assimiler et porter un jugement sur les résultats.

Pour ce faire, il insiste qu’un individu proprement accrédité, que ce soit dans le cadre d’un diagnostic, d’un processus d’embauche ou d’une planification de carrière, doit faire passer le test psychologique. Il indique qu’il existe des formations réglementées au niveau de l’éthique, offertes pour apprendre à correctement utiliser certains tests, ainsi qu’analyser et présenter les résultats.

Dans le cadre d’un processus thérapeutique encadré ou en counseling de carrière, Gaudreau prétend que « ces instruments permettent effectivement aux gens de découvrir leurs tendances personnelles ». Sur l’Internet, par contre, le professeur de l’U d’O fait valoir que l’individu est laissé à lui-même pour interpréter et comprendre la signification des résultats de son test.

Exercice risqué

Même si les tests de personnalité en ligne peuvent paraître anodins, Gaudreau certifie que les implications sont non négligeables. Dans le contexte d’une décision importante comme un choix de carrière, le professeur compare les résultats de ces tests à une carte routière incomplète : « Plutôt que de vous aider, cela risque de vous mener dans la direction opposée que vous souhaitez rejoindre. »

Sans l’éducation et l’encadrement appropriés, Gagnon constate que ces questionnaires peuvent mener à des erreurs sérieuses de diagnostic. À titre d’exemple, le professeur de l’U de M explique que si le test énonce qu’une personne a un trait de névrosisme très élevé, elle pourrait conclure qu’elle a la névrose plutôt que de constater qu’elle vit plus souvent des émotions négatives que les autres.

Avant de passer un test de personnalité en ligne, Gagnon suggère donc à ceux et celles intéressé.e.s qu’ils.elles devraient au minimum s’informer sur les limites et sur la manière dont il faut analyser les résultats. Si c’est pour cerner quelque chose de plus sérieux, les deux intervenants prient d’obtenir l’avis de psychologues dûment formé.e.s.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire