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Revendiquer son identité avec l’application Planctus

Rédaction
21 mars 2021

Crédit visuel : François Larocque – Contribution

Article rédigé par Caroline Fabre – Rédactrice en chef 

Le Centre de droit public et la Chaire de recherche, Droits et enjeux linguistiques de l’Université d’Ottawa (U d’O) ont présenté, le 16 mars dernier, un outil d’activisme visant à éduquer sur les droits liés à la langue, et à les faire respecter en milieu minoritaire à travers le pays. L’événement, qui s’inscrit dans le cadre du mois de la francophonie, a notamment abordé la question du bilinguisme à l’U d’O.

Vanessa MacDonnell, professeure à la Faculté de droit et codirectrice du Centre de droit public a animé la conférence. Dans le cadre de celle-ci, le Vice-recteur, International et Francophonie, Sanni Yaya, s’est exprimé, aux côtés de Mélanie Laframboise, Présidente du Regroupement étudiant de common law en français, et du professeur et Directeur du Collège des chaires de recherches sur le monde francophone, Martin Meunier. 

Enfin, Francois Larocque, professeur et titulaire de la Chaire de recherche et initiateur du projet, a présenté Planctus. Tiré du latin, ce nom représente l’idée de battement, de chose qui frappe. « En tant qu’endroit minoritaire au Canada, il faut frapper pour se faire entendre et faire du bruit, ce que permet Planctus quand il y a une violation ou des problèmes dans la mise en œuvre des droits linguistiques », explique-t-il.

L’idée de créer l’application lui est venue il y a environ deux ans, dans un aéroport ; n’ayant pas eu accès à un service en français, le professeur s’est mis à imaginer un moyen de déposer une plainte de façon immédiate directement depuis son téléphone. Le système représente « une première sur le plan web, mais aussi à l’échelle canadienne », et équipera les francophones d’un outil pour affirmer leurs droits linguistiques, puisqu’il n’en existe, selon lui, aucun autre.

Faire valoir ses droits

« Dans notre société, les personnes qui rédigent des plaintes sont assimilées, à tort, à une bande de plaignard.e.s. Faire respecter ses droits ce n’est pas se plaindre, c’est revendiquer ce qui nous appartient et nous revient de droit », partage Yaya. Larocque ajoute que déposer une plainte, c’est prendre « part au mécanisme de surveillance […] [et aider] l’institution à mieux faire son travail ; c’est très positif. »

« Les requêtes déposées deviennent de précieux vecteurs de changement, qui permettent non seulement de corriger des injustices, mais aussi d’identifier des enjeux récurrents et systémiques auxquels, comme francophones, nous sommes souvent confronté.e.s », commente Yaya, qui juge qu’une plainte est un outil légitime qui permet d’évaluer la santé de la francophonie au sein des institutions.

Le système fait, selon lui, bien plus que faciliter l’accès aux différents mécanismes de plainte des institutions, il active également les droits linguistiques en s’appuyant sur un meilleur encadrement des protestations. Il juge la démarche « importante et prometteuse concernant le respect des droits linguistiques pour la communauté francophone […], et l’affirmation de la résilience de nos communautés ». Larocque insiste sur la responsabilité de chacun.e à faire valoir ses droits en dénonçant les violations de ceux-ci, dans le cadre de la lutte contre le déclin de sa langue.

Outil informatif

L’application internet facilite la rédaction et la transmission de plaintes linguistiques à douze différentes autorités compétentes au Canada, telles que le Commissaire aux langues officielles du Canada, l’Ombudsman de l’Ontario, ou encore la Direction de services en français de la Ville d’Ottawa. Le dépôt de plainte se faisait auparavant sur des formulaires en papier, jugés longs par le professeur, qui indique que la démarche à suivre pour se faire l’a plus d’une fois découragé. 

L’application, qui fonctionne à la fois en français mais également en anglais, propose deux options principales ; celle de porter plainte, et celle de se renseigner sur ses droits linguistiques, toutes deux accessibles directement depuis la page d’accueil. La première dirige le.la plaignant.e vers un questionnaire à remplir pour déposer sa plainte, qui abouti ensuite au formulaire officiel adéquat, ou que Planctus envoie directement au service concerné. Le tout se faisant dans le respect des « normes de protection de la vie privée, qui font que tout est anonyme », partage Larocque. La seconde option oriente le.la visiteur.euse vers un résumé des droits linguistiques au Canada et des mécanismes de plaintes.

Un menu permet à l’internaute d’être redirigé.e vers l’accueil, vers la page de présentation de Planctus, ou encore vers les questions fréquentes. Un agent conversationnel est également proposé afin de guider celles et ceux qui ne savent pas à qui adresser leur plainte. 

Selon Laframboise, l’application est un outil pédagogique hors pair en raison de sa simplicité, de son efficacité. Sa conception attrayante, accessible, et pratique, présente des caractéristiques qu’elle juge indispensables à la réussite de ce genre d’outil. Elle espère que Planctus induira un réflexe d’assumer ses droits linguistiques chez les étudiant.e.s, qui forment la prochaine génération de défenseur.euse.s de ces droits. « C’est une période intéressante pour réfléchir à nos droits linguistiques et surtout pour agir, pour les protéger », déclare Larocque, en évoquant notamment le jeudi noir des Franco-Ontarien.ne.s, et le sort de l’Université Laurentienne.

En attendant, Larocque prévoit déjà d’élargir la portée de l’outil, notamment à la province de Québec, la Ville de Montréal, ou encore l’Université de Montréal. Il espère également ajouter des fiches informatives concernant des concepts clés, ainsi que davantage de renseignements accessibles, « pas écrits en jargon juridique pour que tout le monde puisse comprendre. »

Mobilisation nationale

L’utilisation de Planctus établit un lien entre le cours de droits linguistiques proposé dans le programme de common law de l’U d’O, et le travail concret de revendication qu’incarne la Marche linguistique, explique Laframbroise. Proposé dans le cadre du cours de droits linguistiques proposé par Larocque, le concept permet aux étudiant.e.s de sortir de leur salle de classe et d’aller directement chercher des absences ou des erreurs de traduction directement sur le campus de l’Université. Avec la COVID-19, les étudiant.e.s, localisé.e.s un peu partout au Canada cette année, ont sillonné les rues de leur municipalité, et une variété de sites internet, avant de déposer des plaintes par le biais de Planctus. 

Le professeur espère mettre en place une marche linguistique nationale avec la fédération de la jeunesse canadienne-française pour 2022, afin de former des jeunes des écoles secondaires au sujet des droits linguistiques. En attendant, le Centre de droit public et le professeur Larocque tiendront, le 25 mars prochain, une discussion au sujet du bilinguisme officiel au Canada.

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