Crédit visuel : Emily Zaragoza – Journaliste
Chronique rédigée par Emily Zaragoza – Journaliste
Depuis octobre, trois journalistes de la rédaction travaillent pour Radio-Canada. Leur mission : couvrir l’actualité locale et intervenir en direct dans l’émission radio Les malins. Alors que cette aventure prend fin, j’ai décidé de raconter les coulisses de ma participation à ce projet.
Ouvrir la porte
J’ai passé la porte en bois blanc de La Rotonde pour la première fois au début du mois de septembre 2023. Quelques semaines plus tard, j’entendais parler d’un projet avec Radio-Canada. La rédaction en chef avait reçu un courriel qui proposait à quelques membres de l’équipe d’intervenir sur les ondes le samedi matin. L’idée était que des étudiant.e.s racontent un événement local en moins de 10 minutes à la radio. Je me suis tout de suite dit que c’était une opportunité incroyable. Cela faisait à peine un mois que j’avais posé un pied dans le pays et voilà que je pouvais devenir pigiste pour un « grand » média. Une autre porte s’ouvrait.
J’ai hésité un peu. J’avais peur de la charge de travail. Surtout, j’avais peur de ne pas être à la hauteur.
J’ai arrêté d’hésiter. Je me suis dit que si je déclinais cette proposition, je le regretterais. Je ne voulais pas dans cinq ans, coincée dans mon minuscule appartement parisien, repenser à ce jour où j’avais refusé un emploi en journalisme. Alors, j’ai dit oui.
Première fois à la radio
J’ai été la première de nous trois à intervenir. Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. J’avais hâte, mais j’étais morte de trouille. Heureusement, l’équipe de Radio-Canada était aux petits soins. Nos échanges par courriel et téléphone me mettaient en confiance. Le 21 octobre 2023, j’ai parlé pour la première fois de ma vie en direct à la radio. Quelques jours avant, il avait été convenu que je me rendrais à une collecte de vélos organisée par la coopérative Rack à Bécyk. Pour être sûre, le jour venu d’avoir assez d’informations, j’ai contacté à l’avance les organisateur.rice.s.
Le samedi matin, sous une pluie battante, je me suis rendue au milieu du parc de la Gatineau. Par précaution, je suis arrivée en avance, très en avance. Il n’y avait encore personne. Quelques voitures sont arrivées. Les organisateurs, enfin les organisatrices pour être exact, se sont activées pour installer le barbecue à l’abri. J’ai aidé à porter du matériel, échanger quelques mots. 10 h 32. Le moment était venu. Pendant quelques minutes, j’ai entendu au bout du fil l’émission qui se déroulait en direct. 10 h 37. C’était mon tour. Je crois que ma voix a tremblé au début. J’ai continué à parler. Ne pas penser, et surtout ne pas s’arrêter de parler. La musique s’est lancée. J’avais fini. J’ai raccroché.
Le barbecue était installé. Je me suis approchée. J’ai pris le temps de discuter. À un moment, une maman est venue amener un vieux vélo de son fils après avoir écouté Radio-Canada. C’était impressionnant de me dire que cette inconnue avait entendu ma voix et que maintenant elle était là face à moi.
Et la suite ?
À chaque fois que je devais aller sur le terrain, il ne faisait pas beau. Comme une drôle de malédiction. Le 13 janvier 2024, il y a eu une tempête de neige. Ottawa avait reçu 20 centimètres de neige. Il était neuf heures du matin et j’étais dans le sous-sol d’une église à Gatineau. Des passionné.e.s de jeux de société s’étaient réuni.e.s pour jouer jusqu’au bout de la nuit.
Après avoir discuté avec plusieurs d’entre eux.elles, une personne m’a demandé mon âge. Elle était surprise qu’à seulement 20 ans je travaille pour Radio-Canada. J’avais bien fait de dire oui. Avec le temps, mes interventions à l’antenne sont devenues de plus en plus assurées. Maintenant, je réalise tout ce que cette expérience m’a apporté. J’ai fait la découverte d’évènements dont je n’avais jamais entendu parler avant. J’ai rencontré des personnes qui ne se seraient jamais trouvées sur mon chemin sinon.
J’ai 20 ans. Je suis étudiante. La Rotonde m’a fait confiance. Radio-Canada aussi. Dans un monde où il faut redoubler d’efforts pour faire ses preuves en journalisme, savoir que certain.e.s sont prêt.e.s à donner leurs chances aux plus jeunes me rassure pour l’avenir. Le bâtiment de La Rotonde derrière moi, je pense aux prochain.e.s étudiant.e.s qui franchiront la porte blanche. En marchant, j’imagine la suite. Autour de moi, il neige. Pourtant, aujourd’hui, je n’irai pas sur le terrain. La porte de Radio-Canada se referme, mais d’autres portes m’attendent.