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Arts et culture

Entre poésie et francophonie : entretien avec Jérôme Melançon

Marie-Ève Duguay
21 mars 2022

Crédit visuel : Courtoisie – Éditions Prise de parole 

Entrevue réalisée par Marie-Ève Duguay – Cheffe du pupitre Arts et culture

Jérôme Melançon est poète, professeur en études francophones et interculturelles à l’Université de Régina et diplômé de l’Université d’Ottawa (U d’O). Dans le cadre de la Journée mondiale de la poésie, le 21 mars, il discute avec La Rotonde de sa carrière, de ses inspirations et de son nouveau recueil de poésie, En d’sous d’la langue, publié aux Éditions Prise de parole.

La Rotonde (LR) : Comment est née votre ambition poétique ? 

Jérôme Melançon (JM) : J’étais d’abord un musicien amateur, et j’aimais écrire des paroles de chansons. C’est en lisant la poésie de Charles Baudelaire, au cégep, que cette forme littéraire m’a vraiment accroché. La poésie est restée avec moi depuis.

En découvrant la poésie, j’ai pu trouver une manière de dire les choses que je n’arrivais pas à dire, et j’ai même découvert des choses que j’avais à dire sans le savoir. J’ai donc beaucoup écrit au cours de ma vie, et surtout lorsque j’étudiais à l’U d’O. Mes premiers poèmes ont d’ailleurs été publiés dans une revue du Département de français et de littérature de l’U d’O. 

J’ai plus tard écrit deux autres recueils, soit De perdre tes pas en 2011 et Quelques pas quelque part en 2015, aux Éditions Des Plaines à Sainte-Boniface. Mon recueil le plus récent, En d’sous d’la langue, a été publié en fin d’année dernière.

LR : Quels sujets et thèmes avez-vous l’habitude d’explorer dans votre poésie ?

JM : Je fonctionne surtout par projet, et donc chacun de mes projets a des thèmes spécifiques. Par exemple, mes deux premiers recueils vont ensemble : ils portent les deux sur l’expérience de vie urbaine et l’amour. J’explore à travers ces textes la manière dont les relations interpersonnelles sont médiatisées par la ville.

Mon recueil le plus récent, En d’sous d’la langue, porte sur la langue française et l’identité francophone en général. Nous disons souvent que l’identité se développe beaucoup à l’adolescence, et donc une bonne partie du livre revient à ce moment-là et évoque plusieurs endroits divers au Canada. Le livre revient aussi sur notre monde d’aujourd’hui, surtout sur le français en milieu minoritaire et sur le français au Québec.

J’ai voulu parler dans ce recueil des expériences frustrantes et difficiles que vivent les francophones en milieu minoritaire, que ce soit à Ottawa, à Régina, à Penetanguishene. Dans ces milieux, il semble avoir un impératif de parler français, et d’être francophone d’une certaine manière. Ces façons de penser peuvent être blessantes et peuvent créer des limites pour plusieurs personnes ; elles obscurcissent tout ce qui a de différent, de riche et de beau au sein des différentes communautés francophones.

LR : Vous avez une formation en philosophie et en politique. Comment ces domaines se traduisent-ils dans vos textes ? 

JM : Il y a plusieurs liens qui peuvent être établis entre ces disciplines. Pour moi, la poésie représente une autre manière de faire de la recherche, de comprendre les choses et de s’exprimer. La poésie n’est pas une question de vérité factuelle que nous pouvons vérifier : elle permet de passer par ses expériences, de mentir même, d’inventer, d’exagérer. Je n’ai pas nécessairement tout fait ou vécu ce que je raconte dans mes poèmes.

L’authenticité passe d’une manière différente dans la poésie. Il y a des choses qu’on peut observer, dont on peut faire l’expérience, mais que nous ne pouvons exprimer que par des moyens créatifs.

La philosophie et la politique sont des domaines où les modes d’écriture sont vraiment ancrés dans l’observation directe, méthodique et empirique. La poésie permet plus de liberté et prouve que nous ne maîtrisons pas toujours ce que nous voulons dire. Ce qu’un.e lecteur.ice va lire ne correspond peut-être pas à ce qu’un.e autre va lire, et ce n’est pas nécessairement ce que j’ai voulu émettre en tant qu’auteur non plus. C’est un peu cela le thrill de la poésie : nous ne savons pas où elle va aller. Il faut donc faire attention à ses mots, mais il faut aussi savoir que nous ne sommes pas responsables de ce que les gens vont en faire.

LR : De manière générale, que représente la poésie pour vous ?

JM : Écrire de la poésie est devenu un besoin pour moi. C’est quelque chose que je fais régulièrement, presque à tous les jours. C’est une forme de méditation, mais elle diffère dans la manière où je ne laisse pas les choses passer. Au contraire, c’est une méthode de méditation qui me permet d’approfondir mes pensées et mes sentiments. C’est aussi une pratique spirituelle aussi qui me permet de trouver l’équilibre et de comprendre ce que je ressens, et qui me permet de rejoindre d’autres personnes également. J’espère que mes textes peuvent fonctionner de la même manière pour les autres.

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