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Mois de la francophonie : parlons de l’Acadie !

Johan Savoy
16 mars 2022

Crédit visuel : Archives

Article rédigé par Johan Savoy – Chef de pupitre Sports et bien-être

Partageant avec les autres communautés francophones du Canada la défense de leurs droits linguistiques, les Acadien.ne.s disposent d’une identité qui leur est propre. Disséminée, aujourd’hui, à travers le continent nord-américain, cette nation continue de faire face à certains défis, notamment dans son berceau historique que sont les terres des provinces maritimes.   

Le Mois de la francophonie représente chaque année l’occasion de fêter la langue française au pays, mais également de s’intéresser aux communautés francophones en situation de minorité. Forte d’une identité unique, la nation acadienne s’inscrit dans le grand projet commun de défense et sauvegarde linguistique au Canada, comme en témoignent professeur.e.s et historien.ne.s. 

Selon Julien Massicotte, professeur agrégé en sciences humaines à l’Université de Moncton (UM), l’Acadie illustre la possibilité de revendication politique et linguistique dans l’univers socio-politique canadien, alors même que celle-ci ne bénéficie pas d’un rapport de force aussi important que le Québec.

Une communauté continentale

Michel Bock, professeur agrégé au Département d’histoire de l’Université d’Ottawa (U d’O), explique que dans les Maritimes, « le château fort de la communauté acadienne se situe au Nouveau-Brunswick et en particulier dans le nord-est de la province ». Il précise qu’environ le tiers de la population y est francophone, avec une grande majorité d’Acadien.ne.s. Quant aux populations de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard, la communauté y est, d’après lui, beaucoup plus restreinte, avec une proportion se situant entre 3,5 % et 4 % de la population.

« Il y a également une diaspora acadienne considérable au Québec depuis la fin du 18ème siècle », poursuit le professeur. Il ajoute que l’Ontario dispose aussi d’une présence marquée, et ce, notamment autour des centres universitaires comme Ottawa. 

Massicotte évoque de son côté l’existence des Cajuns, en Louisiane, dont l’origine est commune aux Acadien.ne.s du Canada. Celui-ci relève toutefois une évolution différente des identités lorsque l’on s’éloigne de l’événement de la déportation de 1755.

« C’est aussi une population qui s’est jointe aux mouvements de migration vers la Nouvelle-Angleterre, de la seconde moitié du 19ème siècle à la Grande Dépression des années 1930 », continue Bock. Parlant de véritables saignées démographiques, celui-ci précise qu’une partie des Acadien.ne.s du Nouveau-Brunswick avait alors rejoint les mouvements migratoires des Canadien.ne.s-français.e.s du Québec lorsque ceux.celles-ci quittaient le pays.

Une identité collective

Selon le professeur de l’UM, la communauté acadienne s’est construite une identité collective autour de certains symboles, mais aussi de la notion d’appartenance à la nation. En ce sens, il explique que le drapeau acadien, comprenant le drapeau français et l’étoile mariale, témoigne d’un héritage à la fois francophone et catholique.

« Les Acadien.ne.s présentent un certain nombre de particularités sur le plan historique, identitaire et référentiel », confirme le professeur de l’U d’O. Il évoque ainsi une certaine autonomie par rapport aux autres communautés minoritaires francophones canadiennes. « Il y a une conscience historique et nationale très différente qui prend forme dans la période que les historien.ne.s ont appelée la Renaissance acadienne », précise-t-il.

C’est, d’après lui, entre 1870 et 1890 qu’est né un récit national différent du reste du Canada français. Comprenant notamment « la déportation et le Grand Dérangement », ce « mythe fondateur » aurait servi, selon lui, de base aux manifestations nationalitaires ayant pris forme dans la deuxième moitié du 19ème siècle.       

Massicotte observe de son côté un changement d’approche de l’Acadie dans les années 1950 et 1960. Il précise ainsi que la nation s’est davantage tournée vers les leviers de pouvoirs institutionnels pour définir son identité et ses projets collectifs. Évoquant une modernisation des institutions et un rapport différent vis-à-vis du pouvoir étatique, il mentionne l’importance du poids politique des Acadien.ne.s au Nouveau-Brunswick, celui-ci ayant ultimement mené à l’élection de Louis Joseph Robichaud en 1960.

Bock relève finalement une forme particulière de mobilisation politique chez le peuple acadien. Affirmant l’existence dans les années 1970 d’une « volonté d’obtenir une autonomie politique, territoriale et nationale », il explique que le Parti acadien, créé en 1972, s’était alors donné pour mission de « créer une nationalité acadienne au sens propre ». Ainsi, les revendications visaient, d’après lui, une forme de souveraineté nationale, ou au minimum, la création d’une onzième province.

Des revendications communes

Redoutant la capacité des Acadien.ne.s à maintenir ce poids politique au sein du gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick dans les années à venir, Massicotte déplore le manque de considération de l’administration progressiste-conservatrice Higgs en poste actuellement. Selon lui, cette dernière ne respecte pas la coutume née dans les années 1960 voulant que les chef.fe.s politiques, à défaut d’être parfaitement bilingues, aient un minimum d’intérêt pour la francophonie.

« Nous voyons avec le gouvernement de Blaine Higgs une remise en question de l’utilité de certains acquis juridiques et institutionnels en ce qui concerne le bilinguisme dans le contexte acadien », approuve Bock. Rappelant que le Nouveau-Brunswick est à ce jour la seule province officiellement bilingue au pays, il souligne également la volonté de ce gouvernement, à très grande majorité anglophone, de réviser l’autonomie institutionnelle francophone pourtant promue « depuis une cinquantaine d’années ».

Se désolant de l’attitude du Premier ministre néo-brunswickois face aux enjeux concernant la francophonie dans la province, Massicotte concède sa préoccupation quant à la suite des événements dans la sphère politique. Il s’inquiète ainsi que la considération du danger linguistique ne soit plus jugée comme nécessaire pour gouverner la seule province bilingue du Canada.

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