Être une femme en génie : « travailler plus dur pour faire ses preuves »
Crédit visuel : Courtoisie Claire Flood
Article rédigé par Emily Zaragoza — Journaliste
Mars est le mois national du génie au Canada. À cette occasion, ces dernières semaines, La Rotonde a interrogé plusieurs étudiantes de l’Université d’Ottawa (U d’O) au sein de ce département. L’objectif : découvrir leur expérience et leur ressenti en tant que femme dans un domaine majoritairement masculin.
Une scolarité exigeante, mais passionnante
Maria Kassis, en troisième année en génie mécanique biomédical à l’U d’O, explique avoir trouvé un programme qui combine ce qu’elle aime — c’est-à-dire les sciences et l’anatomie humaine — et ce qu’elle sait faire, soit les mathématiques et la physique. Elle apprécie la diversité des enseignements et des projets, dont la plupart se font en équipe. Kassis confesse toutefois qu’étudier en génie demande des sacrifices, car la charge de travail est élevée. Au point, cite l’étudiante, qu’elle doit sacrifier des heures de sommeil afin d’être en mesure de finir un projet à temps.
« Même si les cours sont parfois difficiles et épuisants », Nora Jordan, en première année de conception multidisciplinaire, adore aussi son domaine d’études. L’élève affirme s’être toujours intéressée à la résolution de problèmes complexes. Jordan est capitaine de l’équipe de génie Baja SAE de l’U d’O dont l’objectif est de construire un véhicule utilitaire monoplace répondant à toute une série de critères. Le club compte parmi ses membres cinq femmes, et a donc décidé, à l’occasion de la journée du 8 mars, de les célébrer à travers une publication sur les réseaux sociaux. En plus de mettre en lumière le travail de ses membres féminins, le club rappelle à ses abonné.e.s qu’« il reste encore beaucoup à faire » pour l’égalité des genres.
Pas assez de femmes, trop de sexisme
Dans certains programmes de génie, les femmes composent 20 % à 30 % des effectifs, d’après les témoignages recueillis. Emma O’Reilly, étudiante en troisième année de génie mécanique et biomédical, nuance ces statistiques en rappelant qu’il y a de plus en plus de femmes qui intègrent le programme de génie mécanique. Parmi elles figure Kassis, qui ne s’est pas laissé impressionner par cette inégalité numérique. Bien au contraire, elle y a vu une manière de pouvoir se démarquer, assure-t-elle. Kassis, qui est consciente que le mot génie évoque un homme dans l’imaginaire collectif, espère prouver que ce domaine ne leur est pas réservé.
La capitaine de l’équipe Baja SAE souhaite également que la représentation au sein du domaine évolue. « Les professeurs sont majoritairement des hommes à l’heure actuelle, les professionnels de l’industrie également », dénonce-t-elle. Même bilan pour Kassis, qui a eu seulement une professeure en trois ans à l’U d’O.
Jordan explique que lorsqu’aucun des pairs, professeurs ou professionnels du domaine ne ressemble à soi, il peut être difficile de s’imaginer dans leur rôle. Elle affirme qu’il faudra du temps pour produire des modèles pour les jeunes filles et créer des programmes qui les intéressent. Si elle pense qu’à l’avenir les chiffres seront meilleurs, la capitaine d’équipe regrette que les changements prennent autant de temps.
Les étudiantes confessent avoir vécu et observé des comportements sexistes. Plusieurs qualifient ainsi le phénomène de courant, bien que « l’U d’O gère très bien la situation », d’après Laila Burns, étudiante en génie logiciel. Cette dernière trouve qu’il est parfois plus difficile d’être prise au sérieux en tant que femme et qu’il faut travailler plus dur pour faire ses preuves. O’Reilly a l’impression de vivre « une bataille constante ». Elle rapporte qu’en tant que femme, beaucoup supposent qu’elle ne peut pas être aussi intelligente ou compétente que les hommes qui l’entourent.
Selon Jordan, les comportements sexistes sont plus fréquents lorsque beaucoup d’hommes sont présents et qu’ils ne se rendent pas compte de la situation ou ne vont rien faire pour y mettre fin. Elle confie avoir eu le récit de cas où les hommes voulaient effectuer tous les calculs et le travail de modélisation 3D, alors que les femmes devaient se contenter de rédiger le rapport.
Soutenir les étudiantes en génie
L’étudiante en génie logiciel, dont le père est lui-même ingénieur en informatique, précise n’avoir jamais eu l’impression que les femmes étaient moins capables que les hommes, grâce au soutien de son père. Elle reconnaît que sans ses conseils et ses encouragements, elle n’aurait certainement pas choisi cette voie. Elle a également eu la chance d’évoluer au sein du club « Net-zero Tiny Homes » où le climat est bienveillant. « Bien que le club ait été initialement fondé et dirigé par des hommes, ils ont été très encourageants. Ils ne m’ont jamais fait sentir que je n’étais pas la bienvenue ni aucune autre fille de l’équipe, et ils ont toujours apprécié mes compétences, mes opinions et mes idées », relate-t-elle.
D’après Jordan, les tâches sont réparties équitablement au sein de Baja SAE. Celle-ci explique qu’elle a réussi à s’entourer de personnes qui la soutiennent, ce qui lui permet de se protéger des comportements sexistes. L’étudiante en conception multidisciplinaire souhaite épauler d’autres femmes en génie. Elle affirme participer à des initiatives telles que « Go-Eng Girl » et « Go-Code Girl » qui organisent des camps d’initiation dirigés par des femmes pour des femmes. Selon elle, les résultats de ces camps d’été pour les filles qui souhaitent s’orienter en génie sont excellents.
Une fois à l’université, les étudiant.e.s peuvent se tourner vers des groupes tels que « IEEE Women in Engineering » (WIE) pour les soutenir dans leur scolarité.