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Arts et culture

S’accepter et s’émanciper face au sexisme de la société

Culture
27 mars 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Chronique rédigée par Aïcha Ducharme-LeBlanc – Cheffe de pupitre Arts et culture

De nos jours, de nombreuses entreprises font la promotion de l’amour de soi, et nous invitent à être clément.e.s envers nous-mêmes. Cela n’est cependant pas évident pour les femmes, particulièrement les femmes de couleur, au sein d’un environnement qui les discrimine pour leur genre

La plupart des gens associent l’amour à un sentiment puissant orienté vers d’autres personnes, ou certaines choses. Cependant, comme le fait valoir bell hooks dans son ouvrage All About Love, l’amour doit inclure une croissance spirituelle pour soi-même et pour autrui.

L’amour est donc une action et, par conséquent, nous devons agir de manière à être aimant.e.s, non seulement pour les autres, mais avant tout pour notre propre bien-être. Dans cette chronique, je me base sur la pensée de hooks, Audrey Lorde et d’autres féministes qui prônent un amour de soi radical. 

Socialisation et genre

La semaine dernière, alors que je lisais des essais de l’auteure américaine Lorde, un des passages m’a particulièrement interpellée. Je cite : « Prendre soin de moi n’est pas de la complaisance, c’est de l’auto-préservation et c’est un acte de guerre politique. » S’aimer, c’est donc être rebelle selon l’auteure. Effectivement, dans notre société, l’amour de soi est un parcours du combattant.e pour une femme. 

Dès le plus jeune âge, on apprend systématiquement à prendre soin d’autrui. Femmes, pensez à votre enfance, quel était votre bien le plus précieux ? Sans doute une poupée, en tout cas, c’était le cas pour moi. Et que fait-on avec une poupée ? On en prend soin, on la nourrit, on l’habille et ainsi de suite. La société inculque aux femmes qu’elles sont destinées à être des nourricières, qu’elles doivent être maternelles, qu’elles existent en grande partie pour prendre soin des autres. Comment s’aimer quand notre obligation primordiale est d’aimer autrui ?

Prédation patriarcale

En toute honnêteté, comme plusieurs femmes de ce monde, j’ai toujours été rongée par le doute, et j’ai souvent eu l’impression d’être en guerre contre moi-même pour me convaincre que je méritais d’être aimée. Et ce n’est pas surprenant de le croire, étant donné que je suis issue d’un environnement culturel et social qui stimule l’insécurité

Notre société dite « moderne » et « progressiste » est en proie à un paradoxe genré désastreux. On demande aux femmes de s’aimer et d’avoir plus de respect pour elles-mêmes, alors même qu’elles sont maltraitées, invisibilisées, et rabaissées. C’est comme si elles ne méritaient pas d’être aimées aux yeux de la société : quelle honte !

Les femmes sont conditionnées à croire qu’elles ne sont pas assez belles grâce à des publicités qui perpétuent des idéaux de beauté inatteignables. Et pour les confiantes qui font entendre leur voix, comme Christine Blasey Ford qui dénonçait son agresseur en 2018, elles sont discréditées.  

D’ailleurs, une panoplie d’industries, telles que l’industrie de la mode et de la beauté, sont fondées sur le principe que les femmes ne se considèrent jamais à la hauteur des attentes de leur entourage. Les messages de ces entreprises capitalistes nous incitent à acheter des produits pour nous rendre plus minces, plus belles, et donc, plus dignes d’être aimées. 

Il est ainsi important de reconnaître que cette haine de soi imposée aux femmes est enracinée dans plusieurs formes d’oppression. Racismecapacitisme, capitalisme, grossophobie : marginalisent constamment des millions de femmes. 

Amour féministe

Alors que les femmes, et j’insiste, surtout les femmes de couleur, sont dévalorisées, s’aimer soi-même est une forme de résistance, un acte de libération d’une société qui profite du doute de soi. Il ne faut pas se leurrer pour autant, il est difficile de cultiver l’amour de soi-même. Du moins, ça a été le cas pour moi. Déclarer que je démantèle activement le patriarcat en m’aimant est une chose, mais le ressentir en est une autre. Je vous offre donc mes deux conseils favoris pour s’engager sur le chemin de l’acceptation. 

D’une part, les affirmations positives quotidiennes sont extrêmement importantes, même si elles peuvent sembler insipides. Prenez le temps chaque jour de vous écrire des mots gentils . « Je suis forte », « je suis compétente » ou « j’en suis capable », sont des phrases simples, mais elles ont beaucoup de poids. N’hésitez pas aussi à partager des affirmations positives avec d’autres femmes qui vous entourent. Le patriarcat adore opposer les femmes les unes aux autres ; lorsqu’elles se soutiennent mutuellement, elles combattent donc activement les forces qui tentent de les rabaisser. 

D’autre part, écoutez-vous. Respectez votre rythme, et agissez en fonction de vos besoins et non des attentes des normes sociétales. Ce deuxième conseil peut sembler évident, mais il est souvent oublié. Si votre corps se sent fatigué, laissez-le se reposer. Si vous n’avez pas envie d’être sociable, annulez vos plans. Si vous voulez manger quelque chose, mangez. L’amour de soi passe par une grande considération pour son bonheur et son propre bien-être. En restant concentrée sur ce dont vous avez besoin, vous vous détournez des schémas contraignants qui vous attirent des ennuis.

S’il est important d’aimer les autres, et de ressentir la validation d’autrui, il l’est tout autant de nous aimer nous-mêmes, et de valider nos propres expériences. C’est là une façon de se révolter et d’affirmer avec fierté que nous sommes bien présentes. 

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