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Éditorial

L’U d’O, le plus grand des lâches ?

Aïcha Ducharme Leblanc
17 janvier 2022

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Un éditorial rédigé par Aïcha Ducharme-LeBlanc – Co-rédactrice en chef

Il y a presque deux ans, l’administration de l’Université d’Ottawa (U d’O) a décidé de migrer les cours vers un format virtuel en raison de la pandémie. Un ras-le-bol, une écoeurite, semble s’installer depuis quelque temps parmi les membres de la communauté uottavienne, mais encore plus depuis l’annonce de la probabilité d’un autre semestre en ligne. L’Université a-t-elle agi à la hauteur des attentes pour que ses étudiant.e.s et employé.e.s s’épanouissent en temps de pandémie ?

La réponse est un petit oui, mais surtout un grand non.  Patrice Corriveau, professeur titulaire en criminologie à l’U d’O rapporte que « l’Université comme tou.te.s les décideur.euse.s navigue à vue, [elle] ne sait pas trop où ça s’en va et compte tenu de ce brouillard généralisé, [sic] l’Université a quand même bien réagi ». 

Corriveau a raison, la pandémie a été imprévisible et il est difficile de réagir dans le chaos. Néanmoins, les lacunes de l’U d’O sont encore plus frappantes que ses succès pandémiques.

Expérience étudiante qui fait défaut

L’expérience des étudiant.e.s depuis mars 2020, quant à elle, peut être qualifiée de très ordinaire. C’est ce que révèle notre enquête Instagram, avec une réponse moyenne de 5/10, sur la qualité des cours pendant une pandémie. Des problèmes facilement réparables, qui auraient dû être corrigés, sont encore monnaie courante. 

Pourquoi un.e professeur.e peut-il.elle décider que son cours asynchrone consiste en des lectures hebdomadaires et rien de plus ? Pourquoi est-il acceptable pour un.e professeur.e d’attribuer une note participation de 10 % en classe à l’allumage des caméras des étudiant.e.s ? Pourquoi la Faculté d’éducation peut-elle rendre l’utilisation de Respondus obligatoire pour tous les examens d’entrée à la Faculté ? Pourquoi les professeur.e.s peuvent-ils.elles raccourcir ou prolonger arbitrairement les heures de cours comme bon leur semble ? Pourquoi la charge de travail continue-t-elle d’être augmentée alors que l’Université a promis qu’elle demanderait à ses professeur.e.s d’être plus généreux.ses ?

Ce sont tous des problèmes qui ont été portés à l’attention de La Rotonde au cours de la semaine dernière ; ils sont relativement faciles à résoudre, mais ils persistent tout de même. L’administration ne devrait-elle pas être tenue responsable de ce qui se passe dans ses salles de classe ? 

Situation déplorable des professeur.e.s à temps partiel

Que ce soit pour les étudiant.e.s ou les professeur.e.s, les cours ont représenté un défi ces deux dernières années. Et l’administration n’a pas exactement prouvé sa volonté de rendre service.

Corriveau indique que « transposer la pédagogie humaine dans un environnement virtualisé » est une tâche lourde pour les professeur.e.s universitaires. Cependant, le professeur de criminologie reconnaît qu’en tant que professeur titulaire, ses conditions de travail sont bien différentes de celles des professeur.e.s à temps partiel. Selon l’Association des professeur.e.s à temps partiel U d’O (APTPUO), ceux.celles-ci dispensent plus de la moitié des cours de premier cycle à l’U d’O.

Les professeur.e.s à temps partiel et les chargé.e.s de cours ont été peu accompagné.e.s lors de la pandémie. Selon une déclaration envoyée par l’APTPUO, les professeur.e.s à temps partiel ont été contraint.e.s d’enseigner virtuellement à 200-300 étudiant.e.s dans des cours qui en comptent habituellement 80. Ils.elles ont été obligé.e.s de se plier au modèle bimodal que la Coalition intersyndicale de l’U d’O a publiquement décrié et qui, selon l’APTPUO, compromet la qualité de l’enseignement que leurs membres peuvent assurer. De plus, n’ayant pas les mêmes privilèges que les professeur.e.s permanent.e.s, les professeur.e.s à temps partiel cumulent une charge de travail supplémentaire depuis mars 2020 sans compensation additionnelle. L’absence de soutien institutionnel de l’U d’O est palpable.

La plus grosse gifle de toutes ? À aucun moment pendant la pandémie, l’Université n’a-t-elle consulté les professeur.e.s à temps partiel et les chargé.e.s de cours avant d’imposer des politiques dans ses classes. Un manque de respect flagrant envers ceux et celles qui, comme le signale l’APTPUO « accompagnent tous les jours [les] étudiant.e.s ». 

 Communications lacunaires

À l’U d’O, d’après un témoignage étudiant, « il n’y a pas de voix administrative qui soit à la fois entendue et qui profite positivement à la population étudiante ». Cet.te étudiant.e se rappelle « des messages rassurants du directeur de [sa] Faculté au début de la pandémie, avec des actions mises en œuvre pour aider ». Il.elle avait l’impression qu’une boucle de rétroaction était en place. Il.elle a été dupé.e.

Les communications depuis la pandémie sont loin d’être satisfaisantes. Depuis l’amorce de la vague omicron, les étudiant.e.s ont reçu deux courriels de la part de l’administration concernant le semestre d’hiver et ceux-ci nous donnent peu d’information sur le semestre. 

Il y a un manque de transparence de la part de l’administration de ne pas communiquer ce qu’elle sait sûrement. Tout le monde sait que le trimestre se déroulera virtuellement, mais l’Université souhaite attendre à la dernière minute pour informer sa population étudiante.  Ne devrait-elle pas s’efforcer d’être proactive plutôt que réactive ? À méditer.

Plus décevant encore est le peu de communication et de soutien que les uottavien.ne.s reçoivent des services universitaires. Les conseiller.ère.s académiques, probablement surchargé.e.s, laissent sans réponse des courriels étudiants. Certains services étudiants comme les services des facultés ou le SASS sont fréquemment très difficiles à rejoindre. Les étudiant.e.s ont l’habitude d’envoyer un courriel et de recevoir une réponse générique et aucune réponse personnelle. Soulignons également que l’excuse « COVID » est souvent avancée pour justifier les délais de réponses à ces courriels. Deux ans pour s’adapter et pour recruter du personnel additionnel ne justifie pas cette excuse boiteuse. 

Santé mentale mise de côté 

Nous concluons cet éditorial sur une note plus désolante. La santé mentale des étudiant.e.s est un élément particulier qui a longtemps été sous-financé et ignoré par l’administration uottavienne. Si elle était un grave problème qui affligeait la communauté avant la pandémie, il est clair que celle-ci et les conséquences qui en découlent l’ont exacerbée. Corriveau déclare que les étudiant.e.s universitaires sont « résilient.e.s », mais ils.elles souffrent aussi. Effectivement, selon une étude menée par Christiane Bergeron-Leclerc de l’Université du Québec à Chicoutimi, près de 70 % des étudiant.e.s universitaires vivent une détresse psychologique depuis le début de la pandémie. 

Si la santé mentale est au cœur des préoccupations et que l’on sait que celle des étudiant.e.s est fragilisée depuis le début de la crise sanitaire, pourquoi l’Université n’a-t-elle pas investi davantage de ressources et ajouté des thérapeutes pour répondre à la demande croissante ? Est-ce de la désinvolture ? Il paraît que si.

En fait, la plupart des initiatives visant à fournir des services de santé mentale proviennent des étudiant.e.s. Le SÉUO envoie fréquemment des courriels nous rappelant notre accès au Réseau de Psychologie ou organise des événements pour promouvoir le bien-être des étudiant.e.s. Certain.e.s étudiant.e.s ont même créé des plateformes telles que Wellness World ou Compass qui visent à soutenir la santé mentale. Nous ne pouvons pas en dire autant du niveau d’effort de l’Université. Celle-ci dispose des ressources nécessaires pour agir et initier des changements significatifs mais ne semble pas vouloir s’en soucier. 

Un courriel envoyé tous les deux mois pour dire que l’administration se préoccupe des étudiant.e.s et de leur bien-être ne signifie rien lorsqu’elle ne s’assure pas que ceux et celles qui nous enseignent sont écouté.e.s et préparé.e.s correctement ; lorsqu’elle ne veille pas à ce que les professeur.e.s n’abusent pas de leur pouvoir dans l’apprentissage en ligne ; lorsqu’elle ne communique pas ou ne fournit pas efficacement les services aux étudiant.e.s ; lorsqu’elle n’investit pas dans la santé mentale et le bien-être des étudiant.e.s. 

Presque deux années se sont écoulées depuis le début de cette pandémie et l’Université est stagnante quelque part, ayant oublié, et même relâché, son engagement envers ses étudiant.e.s.

 

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