Nouvelle formation sur le bilinguisme : une promesse vaine pour une université hypocrite
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Éditorial collaboratif rédigé par Camille Cottais – Rédactrice en chef
Jeudi dernier marqua le lancement d’une nouvelle formation sur le bilinguisme et la francophonie, obligatoire pour tout.e.s les employé.e.s des corps administratif et professoral de l’Université d’Ottawa (U d’O). Si on peut saluer cette initiative, la formation, lancée dans la foulée du Jour des Franco-Ontarien.ne.s, s’apparente davantage à un outil marketing qu’à un véritable levier pour promouvoir un bilinguisme actif au sein de notre communauté universitaire.
Cette formation en ligne, d’une durée approximative de 25 minutes, est divisée en trois modules. Le premier contient des témoignages et rappelle les obligations de l’université, notamment en vertu du Règlement sur le bilinguisme à l’U d’O et de la Loi sur les services en français de l’Ontario. Le second met en pratique ces règlements dans diverses mises en situation, et enfin le troisième aborde les plaintes linguistiques.
Outil de formation ou de communication ?
Dès le titre, « Le bilinguisme : au cœur de l’Université d’Ottawa », l’intention de cette formation apparaît ambiguë et contraste avec l’expérience des étudiant.e.s francophones sur le campus, pour qui le bilinguisme est loin d’être une priorité au sein de cette institution. La formation s’ouvre sur de soi-disant témoignages de la communauté universitaire, mais il s’agit en réalité de membres de la haute administration vantant le bilinguisme à l’U d’O, dont notre cher recteur qui accapare la moitié du temps de la vidéo. Il est évident que le témoignage des étudiant.e.s serait bien différent.
Ne soyons pas de mauvaise foi : nous nous réjouissons qu’une formation ait finalement été mise en place sur ce sujet. Mais il serait illusoire de penser qu’elle adressera les véritables problèmes que nous, étudiant.e.s francophones dans une université prétendument bilingue, rencontrons au quotidien. L’enjeu n’est pas le manque de connaissances sur les règlements, mais plutôt l’application à long terme de ces derniers.
Une formation de 25 minutes ne garantit en rien que les connaissances ont réellement été acquises et seront appliquées. Elle ne changera rien à tous ces professeur.e.s et autres employé.e.s de l’U d’O qui nous répètent constamment comprendre le français, mais ne pas pouvoir ou « oser » le parler. Cette formation ne peut suffire à elle seule : elle doit notamment être accompagnée de structures à long terme favorisant l’acquisition réelle du français auprès des employé.e.s, condition sine qua non pour que de telles politiques aient un sens.
Pour nous, cette formation ressemble à un coup de publicité pour une institution désireuse d’embellir son image de plus grande université bilingue [français-anglais] au monde. Or, ceci est une publicité mensongère.
Slogan brillant, réalité terne
Avant de poser le pied à l’U d’O, on nous vend le rêve d’une université bilingue et valorisant le français. Mais à l’arrivée, c’est souvent le choc. Comment l’université peut-elle prétendre que le bilinguisme est « au cœur de l’Université d’Ottawa » alors que l’offre de cours en français est si faible que nous sommes contraint.e.s de prendre des cours en anglais ou à l’Université Saint-Paul pour finir notre programme à temps ? Comment peut-on parler de bilinguisme lorsqu’il est presque impossible d’obtenir des soins de santé en français au Centre de santé et mieux-être étudiant ? Quand la plupart des clubs et associations fonctionnent exclusivement en anglais ? Quand des lectures obligatoires et des vidéos dans nos cours en français sont en anglais ? Quand les cours en français sont parfois assurés par des professeur.e.s au niveau de langue médiocre ? Quand l’exonération des frais de scolarité pour les étudiant.e.s internationaux.ales francophones a été remplacée par une bourse d’une valeur bien moindre ?
La liste pourrait s’allonger indéfiniment. Nous sommes fatigué.e.s de débourser des sommes exorbitantes pour une expérience universitaire et une qualité d’enseignement moins bonnes que celle de nos ami.e.s anglophones.
Le bilinguisme à l’U d’O est réduit à un slogan vendeur, une mauvaise blague, qui ne reflète en rien la réalité une fois sur place. L’Université a des responsabilités bien au-delà de la simple formation de son personnel : il en va de la qualité de l’enseignement, de l’expérience étudiante, et de l’intégrité de l’institution.
Il est grand temps que l’Université cesse de dilapider les dizaines de milliers de dollars de surplus qu’elle recense chaque année dans la construction de nouveaux bâtiments pour investir sérieusement dans la francophonie et notamment le recrutement d’enseignant.e.s francophones. Il est bien beau d’affirmer que la francophonie est au cœur de l’U d’O, mais que valent ces déclarations pompeuses s’il ne s’agit pas du ressenti des étudiant.e.s francophones ?