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Éditorial

Rêver au féminin

Aïcha Ducharme Leblanc
7 mars 2022

Crédit visuel : Courtoisie – ONU illustration/Hanna Barczyk

Éditorial rédigé par Aïcha Ducharme-LeBlanc – Co-rédactrice en chef

Demain, le 8 mars, marque la Journée internationale des droits des femmes. Partout, nous verrons des phrases inspirantes sur le statut des femmes aujourd’hui,  et peut-être aussi des critiques concernant la discrimination et les défis auxquels continuent d’être confrontées les femmes et les filles. En cette Journée internationale des droits des femmes, à La Rotonde, nous rêvons.

Nos rêves sont grands. Le thème du gouvernement du Canada pour la Journée internationale des droits des femmes 2022 est « l’inspiration au féminin ». Il est important de songer au présent et d’avoir en tête « les femmes et les filles qui nous inspirent en faisant preuve de leadership dans les choix qu’elles font dans leur vie quotidienne », comme le souligne le gouvernement. Il y a effectivement beaucoup de sujets de réflexion aujourd’hui, mais prenons aussi un moment pour rêver et penser à ce qui pourrait être.

Éducation primaire….

Nous rêvons d’un avenir où les jeunes écolières ne seront pas soumises au harcèlement subtil, souvent jugé « inoffensif ». Nous espérons que les câlins et les prises de main non désirés ne seront pas qualifiés de « mignons » ou normalisés, mais plutôt interprétés comme des actes non consensuels. Nous souhaitons également qu’une éducation sexuelle intégrale et inclusive, commençant à un jeune âge et mettant l’accent sur la question du consentement, soit mise en œuvre de manière généralisée pour tou.te.s les jeunes Canadien.ne.s.

Nous aimerions voir la fin du sexisme, qu’il soit explicite ou implicite, dans les écoles. Finis les propos sur le manque de force des filles ; fini le sexisme scolaire insidieux qui décourage les filles de poursuivre leurs passions ; finis les attentes, les activités ou les jeux stéréotypés ; finie la sexualisation du corps des filles (nous espérons que les épaules découvertes ne seront plus considérées comme une distraction !). 

Une pratique particulière que nous aimerions voir complètement éradiquée est la sous-estimation systématique des filles. Leur réussite est attribuée à leur sexe, elles réussissent actuellement parce qu’ « elles travaillent dur ». Nous espérons que les filles seront considérées aussi intelligentes que leurs homologues masculins. Encore maintenant, trop de portes restent fermées pour les jeunes filles. L’égalité des chances et l’égalité des traitements, c’est tout ce que méritent nos filles de l’avenir. 

….Monde du travail égalitaires

Une femme canadienne qui travaille de nos jours est dans un état de perpétuel jonglage. D’un côté, tant de possibilités s’offrent à elle, mais d’un autre côté, elle est confrontée à des défis et obstacles qui l’empêchent de progresser ou d’atteindre ses objectifs. Ce jonglage est imputable à un modèle de travail androcentrique, fait par les hommes pour les hommes, que nous espérons voir disparaître.

Nous espérons que les lieux de travail dotés de politiques facilitant la conciliation entre le travail et la famille deviendront la norme et non l’exception. Que le régime de congé parental et les incitations au congé parental pourront être révisés pour contrecarrer les inégalités raciales, de classe et de sexe dans les milieux de travail. Que le désir (commun) de combiner la carrière, la vie familiale et la vie personnelle ne soit pas un véritable combat, mais plutôt une priorité conforme aux valeurs des employeur.se.s.

Nous imaginons un monde où le harcèlement rampant omniscient dans n’importe quel milieu de travail — remarques déplacées, commentaires à caractère sexuel, violences physiques — appartient au passé. Nous portons une attention particulière au « gaslighting » et au « mansplaining », la façon dont la plupart des femmes se battent continuellement pour « le droit de parler, d’avoir des idées, d’être reconnue en possession de faits et de vérités, d’avoir de la valeur, d’être un être humain », comme le résume l’écrivaine Rebecca Solnit. La prochaine génération de femmes aura des choses intelligibles et significatives à dire et, espérons-le, elles auront l’occasion de les dire. Ne serait-ce pas agréable ?

Au risque de sonner comme un disque féministe rayé, nous plaidons également en faveur d’un salaire équitable pour des compétences égales. Nous sommes fier.ère.s de voir que plusieurs femmes s’épanouissent et touchent un salaire décent, mais elles sont encore trop nombreuses à être lésées. Actuellement, les femmes qui travaillent à temps plein au Canada gagnent en moyenne 76,8 cents pour chaque dollar gagné par les hommes. L’écart est encore plus grand pour les femmes autochtones, celles qui sont en situation de handicap, celles qui sont racisées ou les nouvelles arrivantes. À travail égal, salaire égal. Il reste à croire que ce concept de base interpellera les législateur.ice.s et les employeur.se.s pour le bien-être des femmes de demain.

Et au postsecondaire ?

Nous sommes des étudiant.e.s de niveau postsecondaire ou des diplômé.e.s récent.e.s, de sorte que le monde universitaire nous concerne indubitablement. Depuis quelques années, comme le rapporte Statistique Canada, la tendance à avoir des classes universitaires dominées par les hommes est à la baisse. C’est encourageant, l’équilibre entre les sexes est en train de s’instaurer et nous espérons assister à la poursuite de cette tendance. Nous sommes également fier.ère.s que des efforts accrus aient été déployés pour promouvoir l’insertion des femmes dans les domaines STIM traditionnellement réservés aux hommes.

Nous constatons cependant des lacunes dans la représentation des femmes professeures, et en particulier des femmes racisées. Par exemple, parmi les dix doyen.ne.s des facultés de l’Université d’Ottawa, il y a trois femmes et aucune d’entre elles n’est racisée. Nous pouvons nous efforcer de faire mieux, car la représentation compte ! Nous savons que la progression de la carrière des femmes universitaires est parsemée d’obstacles – pour obtenir un financement, pour avoir des publications, pour être embauché.e, pour être traité.e sur un pied d’égalité. Nous avons donc bon espoir que dans les prochaines années, ces obstacles seront moins nombreux et nous verrons plus de femmes et de femmes de la diversité dans le monde universitaire.

Dans un autre ordre d’idées, des incidents récents nous ont montré que la culture du viol est bien vivante sur les campus canadiens. Qu’il s’agisse d’agressions sexuelles ou de pancartes misogynes, nous savons trop bien que la violence sexuelle est endémique, mais ce qui a changé, c’est que ces comportements inacceptables sont désormais passibles de peines sévères. Nous rêvons encore d’ateliers obligatoires sur le consentement et sur la prévention du harcèlement sexuel ; nous rêvons de services plus accessibles pour la lutte contre le harcèlement sexuel ; nous rêvons d’une politique de tolérance-zéro pour la culpabilisation des  victimes imposée par les autorités universitaires ; nous rêvons de clubs de conversation qui décortiquent la signification de la masculinité et de la culture du viol et d’encore plus de responsabilisation. 

Et donc les voilà. Nos rêves dans leur ensemble. Ils sont bel et bien ambitieux, peut-être même que certains sont utopiques. Pour notre part, nous continuerons à nous perdre dans ces rêves chaque nuit lorsque nous nous envolerons sur notre nuage, et ce, jusqu’au jour où ceux-ci deviendront réalité. Vive les femmes !

 

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