Inscrire un terme

Retour
Éditorial

Sécurité linguistique ; à chacun.e sa musique !

Rédaction
29 mars 2021

Crédit visuel : Valérie Soares – Photographe

Éditorial rédigé par Caroline Fabre – Rédactrice en chef

Qu’elle soit canadienne, française, camerounaise ou encore seychelloise, la francophonie existe sous une variété de formes à travers le monde. Parlée par environ 512,5 millions de personnes à la date du premier janvier 2020 selon Population Reference Bureau, la langue s’illustre notamment par sa richesse et sa diversité. Alors, comment présupposer l’existence d’un seul et unique « bon français » ? 

Véritable fierté dans une communauté minoritaire comme à Ottawa, le français est à célébrer. Revendiquer son français la tête haute, c’est un peu le refrain qui a parsemé ce mois de mars, dédié à la célébration de la francophonie. Impossible de ne pas s’en être aperçu si vous êtes un.e membre de l’Uni­ver­sité d’Ot­tawa (U d’O), qui proclame à qui veut bien le lire sur son site internet qu’elle est « la plus grande univer­sité bilingue (français-anglais) au monde. »

Identité ciblée

Le 16 mars dernier, Meike Wernicke, professeure adjointe au Département d’enseignement de la langue et de l’alphabétisation de l’Université de la Colombie-Britannique, a dirigé une discussion sur l’insécurité linguistique. Selon elle, le terme réfère à « une impression, une croyance ou un sentiment à l’effet que la variété de langue qu’on utilise ou la façon dont on parle n’est pas légitime ou valorisée par la société. Les gens évaluent généralement leurs propres pratiques linguistiques en les comparant à une norme perçue comme étant supérieure. » 

Cette définition traduit un phénomène de hiérarchisation du français, sous-entendant qu’il en existe un bon, et un mauvais. La classification entre les façons de le parler affecte négativement à la fois l’identité individuelle, mais aussi l’identité commune, et créée des divisions qui n’ont pas lieu d’être. Pourtant, une forme n’est pas meilleure qu’une autre : la francophonie est un tout hétérogène. Il est cependant courant de se sentir comme un.e imposteur.e dans sa propre langue.

« Le fait de dévaloriser les pratiques langagières d’une personne revient à dévaloriser la personne elle-même », avait expliqué Wernicke. Il existe une réelle discrimination liée à la qualité du français, ce dernier facteur étant injustement utilisé comme base pour déterminer la crédibilité dans le milieu professionnel ou académique d’une personne. Or, ce n’est pas parce qu’elle parle un français différent qu’elle est nécessairement sous-qualifiée. L’insécurité linguistique ne frappe pas uniquement les minorités francophones, mais aussi tou.te.s les anglophones apprenant le français en général ; le tout menant à une certaine honte de parler français et de s’impliquer dans la communauté francophone.

Véritable anxiété 

S’il est adulé par beaucoup, le français est également redouté par celles et ceux qui ne le maîtrisent pas, ou pas bien. Langue complexe, à la conjugaison difficile et irrégulière, il en effraie plus d’un.e, francophone.s compris.e.s. Parler français peut causer une véritable anxiété chez quelqu’un qui tente de le maîtriser ; apprendre une nouvelle langue n’est jamais simple, et devoir s’exprimer les premières fois demande beaucoup de courage.

Il est assez simple de se rendre compte de cela en discutant avec les individu.e.s en cours d’apprentissage, qui évoquent notamment la peur du jugement. En même temps, comment se sentir en confiance quand les francophones se chamaillent  aussi entre eux.elles pour savoir quelle version de la langue promouvoir, et quel accent est le meilleur ?

Ajoutez à cela les réponses automatiques en anglais pour « rendre les gens plus à l’aise », la présence minoritaire du français, la pression que certain.e se mettent pour ne pas parler la seconde langue nationale… Vous obtiendrez alors un mélange aussi explosif que décourageant. 

Efforts à encourager

L’U d’O promeut la francophonie, non seulement parce que c’est son mandat, mais également parce que beaucoup de francophones se plaignent des inégalités de traitement et de services vis-à-vis des anglophones, La Rotonde la première. Or, que faisons-nous, francophones, pour encourager l’apprentissage de notre langue ? Et bien, pas grand-chose.

Nous discréditons, parfois sans même nous en rendre compte, l’apprentissage du français. Apprécions plutôt le fait que dans un monde où l’anglais est la lingua franca, la langue universelle, certain.e.s se donnent la peine d’appendre le français, alors qu’ils.elles s’en sortiraient parfaitement sans. Pour encourager l’apprentissage du français, commençons d’abord par créer un environnement francophone favorable et sain, dans lequel chacun.e pourra apprendre et évoluer à son rythme. 

Il peut être bon de se souvenir que la maîtrise d’une langue est un processus d’apprentissage en continu ; nous ne sommes jamais irréprochables orthographiquement parlant. Pointer du doigt quelqu’un qui éprouve de la difficulté à parler ou écrire en français, en anglais ou en toute autre langue, ne fait que démontrer votre intolérance. 

Nous sommes tou.te.s né.e.s sans aucun niveau linguistique. Vous agacer des tics de langage, de la vitesse de narration, de l’accent ou des erreurs commises par votre interlocuteur.rice ne l’aidera pas à progresser, et risque même de le.la décourager.

Nombreux sont les facteurs qui entrent en compte dans l’apprentissage de la langue, et de son usage. La diversité d’accents et d’expressions ne fait que la rendre encore plus intéressante, notamment grâce aux bagages culturels et historiques qu’elle porte en son sein. La beauté des langues, c’est de partager une expression avec une personne qui habite de l’autre côté de la planète, et de se sentir uni.e.s, malgré l’absence de lien visible.

À l’occasion du mois de la francophonie, il est primordial de rappeler qu’il n’existe pas de meilleure manière de parler français. C’est mon français, mon identité, ma fierté ; et pour lui, je continuerai de lutter.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire