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La « désinfluence » : une stratégie de marketing ?

Daphnée-Maude Larose
5 novembre 2023

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice Artistique

Chronique rédigée par Daphnée-Maude Larose — Journaliste

Le 24 janvier dernier, l’influenceuse Mikayla Nogueira publie un TikTok partageant l’incroyable effet d’un mascara lors d’une collaboration avec L’Oréal. Ses abonné.e.s, et plusieurs autres usager.ère.s de l’application, ont rapidement remarqué qu’elle avait amélioré le résultat à l’aide de faux cils. Sa malhonnêteté et les mécontentements face à celle-ci créèrent une nouvelle vague sur les médias sociaux, celle de la « désinfluence ».

La différence entre l’influence et la « désinfluence »

Afin d’avoir une bonne compréhension de la « désinfluence », il est pertinent de saisir « l’influence », puisqu’elles sont apparemment contraires. Dans ce cas, l’influence est l’effet qu’on les influenceur.euse.s envers leurs abonné.e.s. Ils.elles sont aptes à créer un lien de confiance avec leur communauté dans le but de facilement l’inciter à consommer et à acheter les produits qu’ils.elles recommandent.

Ce qui différencie ces deux concepts est les impacts qu’ils engendrent. L’influence porte plutôt une connotation négative parce qu’elle pousse à la surconsommation. Les créateur.rice.s de contenus présentent des articles qu’ils.elles apprécient et, souvent, encouragent leurs achats en offrant des codes promotionnels.

La « désinfluence », elle, a plutôt une connotation positive. Les influenceur.euse.s qui suivent cette mode persuadent leurs abonné.e.s de ne pas acheter certains produits, ce qui permet de réduire leur consommation. Cette pratique est meilleure et éthique, puisqu’elle permet de dénoncer les entreprises qui ont de fortes conséquences sur l’environnement et dont la production est immorale. Ceci pousse ces compagnies à modifier et à repenser leur manière de faire pour ne pas perdre une grande partie de leur clientèle.

Une solution à la surconsommation ?

Plus d’une personne sur quatre aurait acheté un produit recommandé par un.e influenceur.euse. Puis, pour la génération Z, c’est plus de la moitié d’entre eux.elles qui ont été influencé.e.s. Ainsi, si la « désinfluence » avait continué sur sa trajectoire, elle aurait clairement pu réduire la consommation de plusieurs. En revanche, cette mode a pris un tournant assez ironique. La « désinfluence » s’est retrouvée dans les mains de ces influenceur.euse.s qui s’en foutent de la surconsommation et qui cherchent seulement la popularité en ligne.

C’est ainsi qu’au lieu d’inciter leur communauté à ne pas acheter, les influenceur.euse.s ont commencé à recommander un produit au détriment d’un autre. Notamment, Alyssa Stephanie, sur TikTok, encourage ses abonné.e.s à ne pas obtenir le séchoir Dyson à 600 $, mais plutôt d’acquérir des rouleaux à cheveux chauffants pour 30 $ sur Amazon. « Économisez votre argent. Achetez ceci à la place, il n’y a pas de quoi ! », affirme-t-elle dans sa vidéo.

Ces créateur.rice.s de contenu tentent de faire croire à leurs interlocuteur.rice.s que ce changement d’angle est fait au profit de leur communauté. C’est totalement le contraire ! Dans une économie où l’inflation est très élevée et où le coût de la vie est cher, tout le monde n’a pas nécessairement les moyens d’acheter ce que les influenceur.euse.s recommandent. Donc, dans le but de rester pertinent.e.s et de se différencier des autres, les créateur.rice.s de contenu n’ont pas d’autre choix que de « s’abaisser » au niveau de leurs supporteur.rice.s et de leurs portefeuilles.

La « désinfluence » s’est fait réapproprier en tant que stratégie marketing. Pensez-y bien, si vous n’avez pas les moyens de vous payer un shampooing à 35 $, allez-vous continuer de suivre et d’encourager un.e influenceur.eus.e qui ne fait que recommander et utiliser des produits de ce genre ? Bien sûr que non, et ces dernier.ère.s le savent ! Alors, la plupart conseillent un produit moins cher au lieu d’un autre, pas nécessairement parce qu’il est mauvais, mais pour, encore une fois, rester populaire.

De cette façon, cette pratique qui tentait de réduire la surconsommation et de modifier les comportements d’entreprises nuisibles se retrouve à ne rien changer du tout. La consommation de chacun.e reste la même si un produit coûteux est troqué pour un autre abordable. La surconsommation reprend alors son trône aussi facilement qu’elle ne l’avait quitté.

À qui revient la responsabilité ?

À la suite de la dénonciation du changement d’angle de la « désinfluence », les influenceur.euse.s ont réagi. Ceux.celles-ci argumentent que la consommation de leur communauté n’est pas leur responsabilité. « En tant qu’influenceur, on vous doit le respect, la transparence, et l’honnêteté », rapporte Coline, une influenceuse française. Il serait donc plutôt question d’inciter leurs abonné.e.s à développer un libre arbitre.

Cependant, selon le Club des juristes, un journal d’actualité sous le prisme du droit, les influenceur.euse.s sont totalement responsables du contenu qu’ils.elles créent et publient, qu’ils.elles soient rémunéré.e.s ou non. Dès qu’il s’agit d’un service où une somme est donnée pour celui-ci, des contraintes supplémentaires s’ajoutent, puisqu’il est maintenant question de la protection des consommateur.rice.s.

Au Canada, une loi interdit les publicités fausses ou trompeuses, incluant celles sur le web. C’est pourquoi, depuis quelques années, les créateur.rice.s de contenu se doivent d’indiquer de manière distincte lorsqu’il s’agit d’un placement de produits ou d’un partenariat avec une entreprise.

Les influenceur.euse.s veulent que l’on considère leur travail comme un réel emploi, mais dès qu’il y a mise en place de lois et de règlements, c’est qu’il est question, selon moi, de responsabilité. Aucun métier n’est démuni de charge. Ainsi, ils.elles doivent comprendre que leurs recommandations et leur contenu ont de grands impacts. Ils.elles devraient l’utiliser de manière intelligente et positive afin d’enclencher de vrais changements dans notre société. Réduire la surconsommation semble être un bon endroit où commencer.

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