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Sports et bien-être

La Salat : comment la prière nourrit l’âme et renforce la foi

Dawson Couture
27 mars 2023

Crédit visuel : Marie-Ève Duguay – Rédactrice en chef 

Entrevue rédigée par Dawson Couture – Chef du pupitre Sports et bien-être

La prière est une pratique spirituelle commune à de nombreuses religions à travers le monde. Peu importe la forme, l’essence de la prière est de communiquer avec une puissance supérieure et de chercher une connexion spirituelle. Pour de nombreuses personnes, la prière est source de réconfort, de soutien et de direction lors de moments difficiles. Pour le mois sacré du ramadan, La Rotonde s’est entretenue avec Salah Basalamah, professeur de traduction et d’interprétation à l’Université d’Ottawa, pour discuter de la pratique dans le monde musulman.

La Rotonde (LR) : Quelle est l’importance de la prière (salat) pour les musulman.e.s ?

Salah Basalamah (SB) : Il y a cinq piliers à l’Islam : la profession de foi, la prière, l’impôt social, le jeûne et le pèlerinage à La Mecque. La prière est le second pilier dans l’ordre d’apparition dans la tradition.

Le premier sens de la prière, c’est de maintenir une relation à Dieu. C’est pour cela que l’on parle de cinq prières par jour : elles doivent rythmer nos journées et doivent être un moment de recentrage sur ce qui est le plus important dans notre vie spirituelle.

LR : Selon vous, quel est le but premier de la prière ?

SB : Ce que je racontais à mes filles quand elles étaient plus jeunes, c’était que la prière servait surtout à apprendre à dire « merci ». Le fait de dire merci souvent donne de la valeur aux petites choses que l’on possède. Nourrir la connexion à Dieu de cette façon nous apprend à relativiser la valeur des choses, ce dont notre société de consommation nous a désappris. Tout s’achète, tout se vend et finalement tout ce qu’on veut c’est en avoir toujours plus. Alors que le fait de dire merci, c’est se dire que je me contente de ce que j’ai et que je n’acquiers que ce dont j’ai besoin.

LR : Existe-t-il différents types de prières chez les musulman.e.s ?

SB : Il existe premièrement les prières rituelles, c’est-à-dire les cinq prières quotidiennes. Dans celles-ci, il y a les versets du Coran que l’on doit réciter à chaque cycle de prière (les prières peuvent avoir deux à quatre cycles de gestes), et qui commencent avec « Louange à Dieu », un remerciement littéral à Dieu. 

D’autre part, vous avez ce qu’on appelle les invocations, des prières dans lesquelles on s’adresse littéralement à Dieu, dans nos propres mots, sans nécessairement les articuler. C’est quelque chose qui peut se faire au courant de la journée, que ce soit lorsqu’on est dans le but ou qu’on fait les épiceries.

LR : Comment la prière influence-t-elle la vie des musulman.e.s ?

SB : C’est d’abord une question de proximité, de sentir que les événements quotidiens – les moments de bonheur, de peine, de succès et de tristesse – font place à une espèce de dialogue avec Dieu. La connexion et la proximité de tous les événements avec le souvenir de Dieu font en sorte qu’il y a une façon de les interpréter qui est différente.

Prenons par exemple les événements tragiques, comme le tremblement de terre en Syrie et en Turquie, qui a fait des dizaines de milliers de morts. C’est un événement qui nous ramène à cette question : mais, y a-t-il vraiment un Dieu qui puisse accepter que des choses pareilles arrivent ? Le.la croyant.e ne voit pas les choses de cette manière. Par cette foi en Dieu et le fait que cela s’est produit en quelque sorte avec l’approbation divine, il y a une interprétation complètement différente. Ce n’est pas le mal que ces gens ont subi, mais plutôt ce que les témoins de ce mal vont pouvoir tirer de cette situation. Il n’est pas possible de se mettre à la place des gens qui meurent et de partager leur souffrance, mais le plus important c’est le sens que prennent ces événements dans la vie des témoins : la leçon que la vie est fragile, le fait de dire « je t’aime » à ses proches prend un sens différent, les conflits avec ses parents et les proches sont relativisés.

LR : En plus des obligations de la foi musulmane, certain.e.s décrivent la prière comme une expérience méditative. Quels sont, selon vous, les bénéfices à la santé mentale de la prière ?

SB : Absolument. Il faut justement que la prière ne soit pas seulement une adresse à Dieu. Il faut également en tirer des bénéfices personnels. La prière est un véritable moment de recentrage que l’on fait vis-à-vis de soi. Une des choses que j’ai toujours admirées de Blaise Pascale, c’est son idée qu’une des grandes misères humaines est cette impossibilité d’être seul.e dans une chambre noire, parce que cela nous montre à quel point notre vie intérieure est vide. Sans la cultivation d’une vie intérieure et d’une spiritualité, on peut ressentir une forme de vacuité.

La prière est en quelque sorte un exercice que l’on accomplit pour pouvoir développer cette gymnastique spirituelle intérieure qui fait qu’à un moment donné on a ce dialogue avec Dieu, mais aussi avec soi-même. Elle nous permet d’être sincère envers soi-même, tant pour les bienfaits que l’on accomplit que nos erreurs.

LR : La semaine dernière, un homme musulman a été interdit de prier à la gare d’Ottawa par un employé de VIA Rail. Que pensez-vous de cette situation ?

SB : Il s’agit, d’une part, d’un employé un peu zélé, autoritaire et mal informé, qui a fait un jugement très personnel sur la situation sans tenir compte du droit de conscience et de religion dont jouissent les citoyen.ne.s tant qu’ils.elles agissent dans le respect du droit. D’autre part, c’est un jeune homme un peu défensif, qui  s’offusque d’avoir suscité une réprimande publique indélicate et que sa prière ait pu causer quelque forme de dérangement des voyageur.se.s, seulement pour avoir voulu faire sa prière dans un coin discret, sans ostentation ni risque pour la sécurité du public.

Cet événement est peut-être une bonne occasion pour VIA Rail de penser à proposer, à moyen terme, une petite salle multireligieuse comme on peut en trouver dans les aéroports, puisqu’il arrive qu’on passe parfois de longues heures d’attente sans pouvoir accomplir ses prières autrement que le faire de cette manière.

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