Inscrire un terme

Retour
Sports et bien-être

Abaisser les barrières : les bienfaits des relations intergénérationnelles

Lucy Malaizé
11 Décembre 2023

Crédit visuel : RDNE Stock project de Pexels

Article rédigé par Lucy Malaizé — Cheffe du pupitre Sport et bien-être

Tandis que les étudiant.e.s subissent de plein fouet la crise du logement, les chiffres démontrent un vieillissement général de la population au Canada et mettent en exergue la problématique grandissante de l’isolation. Existe-t-il un moyen de pallier à ces deux phénomènes ? La Rotonde s’est interrogée sur les bienfaits des relations entre étudiant.e.s et aîné.e.s.

Répondre à des besoins sociaux

Mireille Leroux, cofondatrice d’Habitations Partagées Mirela, cherchait une colocation lorsqu’elle a fait le constat que plusieurs modèles d’habitation partagée existaient à travers le monde, mais peinaient à voir le jour au Canada. Pour elle, co-fonder Mirela, qui propose à des personnes âgées d’accueillir des étudiant.e.s chez eux.elles, était une façon de répondre conjointement à plusieurs phénomènes sociétaux tels que le vieillissement de la population, l’isolement des personnes âgées ainsi que la crise du logement. Aujourd’hui, elle est chargée du processus de jumelage et de l’accompagnement des cohabitations. « Le but de ce type de cohabitation est de mettre en contact deux profils : la personne qui vieillit et qui a besoin d’aide, et l’étudiant.e qui cherche un logement abordable et sécuritaire », explique-t-elle.

Au-delà d’une simple colocation, le but de cette initiative est, pour Mireille, de permettre à deux personnes de partager des ressources et de tisser des liens qui améliorent la qualité de vie. Elle et son équipe travaillent à faire « de bons matchs » par l’entremise d’un questionnaire, puis des rencontres personnalisées. L’association prend en compte la personnalité, les intérêts, les besoins et les préférences des deux personnes pour choisir les deux futurs jumelé.e.s, poursuit-elle. La cofondatrice remarque d’autres bienfaits sociétaux à cette initiative : « Les étudiants internationaux ont été enchantés du projet, parce que celui-ci a facilité leur intégration à la communauté. » Ainsi, l’intérêt de ce projet est également, pour Mireille, de diminuer les stéréotypes intergénérationnels et de renforcer les liens communautaires.

Donner et recevoir

Aya, étudiante à l’Université d’Ottawa (U d’O) passe ses weekends dans une maison de retraite dans le cadre d’un travail à temps partiel. Elle remarque l’effet de sa présence sur les personnes âgées. « Tous les serveurs sont étudiants et avec le temps j’ai compris que les personnes âgées venaient surtout au repas pour discuter avec nous », confie-t-elle. L’étudiante avoue aussi faire ce travail en pensant à ses parents : « Je vois que cela leur fait du bien que je leur parle, et j’aimerais que quelqu’un le fasse pour des membres de ma famille s’ils étaient dans cette situation. » Aya raconte que les résident.e.s lui posent des questions sur sa vie et leur racontent la leur : « Ils me disent souvent que je leur fais penser à leurs petits enfants. »

Pour l’étudiante, le plus petit geste peut faire la différence : « J’essaye de retenir les particularités de chacun.e, et de les divertir comme je peux. J’ai retenu que l’un des résidents que je sers était diabétique. Maintenant, il s’assoit dans ma section exprès pour que je lui serve son dessert sans sucre. » Aya a aussi remarqué la différence que représente le fait d’avoir de la compagnie chez les personnes âgées. « Une personne peut avoir un état de santé plus grave qu’une autre, mais c’est celle qui est régulièrement visitée qui va le mieux », observe-t-elle.

C’est aussi du côté des jeunes que Mireille et Aya remarquent les bienfaits de ces relations. Leroux souligne le lien spécial et authentique qui l’unit à sa colocataire plus âgée : « Il n’y a pas de lien de parenté entre nous deux, alors c’est une conversation enrichissante, sans tabous. » Mireille confie voir sa colocataire comme une grande sœur qui, par les expériences qu’elle a vécues, l’aide aussi à mieux comprendre ses parents. Elle note que « nous n’avons pas les mêmes idées ni la même façon de penser puisque nous avons grandi dans des contextes différents, mais cette colocation [est bénéfique] au niveau spirituel, humain, social… », affirme Mireille.

Aya partage le même ressenti : « Le fait de passer autant de temps avec elles.eux m’a fait me poser beaucoup de questions sur comment moi je voudrais vieillir. » Pour Aya, le weekend est une parenthèse qui lui permet de déconnecter de sa semaine. « Je pense que ce travail m’a rendue plus douce, empathique et compréhensive. Si j’avais eu à servir des jeunes, ça m’aurait rajouté du stress, [mais] le fait d’être entourée de personnes calmes m’apaise. » L’étudiante souhaite passer le message que les jeunes ont beaucoup à apprendre des personnes âgées, mais que pour cela, certaines barrières doivent être dépassées.

Encourager ces initiatives

Pour Mireille, le plus grand défi de Mirela réside maintenant dans la communication auprès des aîné.e.s de la communauté ottavienne, pour les convaincre d’ouvrir leurs portes. Elle remarque que c’est un processus d’éducation propre à l’Amérique du Nord, là où les étudiant.e.s internationaux.ales sont moins peureux de ce type d’expérience. Aya fait écho de cette pensée : « Je pense que la société canadienne pourrait favoriser davantage ce type d’interaction. Dans le milieu du service, il faut aller vite. Il n’y avait pas d’aspect dans ma formation qui encourageait le fait de communiquer, passer du temps avec les résident.e.s. » D’origine marocaine, l’étudiante relate qu’il est plus courant dans son pays d’origine que les différentes générations se côtoient et vivent ensemble.

Mireille sait que ce modèle peut prendre du temps à se mettre en place s’agissant de convaincre les aîné.es d’ouvrir leur porte. C’est pourquoi la cofondatrice travaille ces jumelages et mise sur le bouche à oreille. « J’aimerais montrer à quel point ce genre de projet influe sur le bien-être et la qualité de vie des personnes », déclare la cofondatrice.

Mirela organise par ailleurs des ateliers pour aider à démystifier le conflit intergénérationnel, mais aussi pour apprendre à mieux vivre ensemble et à prôner le respect des différences.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire