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Éditorial

Braver la tempête antisociale : la résurgence d’une communauté à l’U d’O

Rédaction
12 février 2024

Crédit visuel : Dawson Couture — Co-rédacteur en chef

Éditorial rédigé par le comité éditorial de La Rotonde

Dans le sillage de la pandémie, l’Université d’Ottawa (U d’O) est confrontée à un défi de taille : la perte de l’esprit de communauté. Alors que les médias sociaux ont pris le relais des interactions physiques, un cri de désespoir émerge parmi nos pairs, exprimant un profond isolement. La transition abrupte à une vie sociale restreinte a laissé notre campus dans une solitude oppressante, exacerbant l’anxiété et la difficulté à établir de nouveaux liens. Ceux.celles qui espèrent trouver une communauté sur le campus se retrouvent à court de mots et à la recherche de solutions…

Vie sociale covidée

Pendant plus d’un an, on nous a conseillé et parfois même ordonné de rester à la maison, de ne pas interagir avec les autres. Conséquence de la rupture de ce serment : ostracisme, amendes, et surtout, mise en danger d’autrui, y compris le risque de la mort. Chaque fois que nous voyions quelqu’un, nous portions un masque, gardions nos distances et évitions tout contact physique. Nos lieux de rencontre, y compris notre campus, étaient jugés non sécuritaires. Rencontrer des gens n’était pas seulement risqué, mais carrément imprudent.

Nous avons collectivement accepté cette blessure — ce traumatisme même — sans jamais se donner de répit. Faut-il alors s’étonner que nous ayons du mal à socialiser et à nouer de nouvelles relations ?

​​Beaucoup d’entre nous ont, à juste titre, trouvé très ardue la transition d’une vie sociale très active avant 2020 à un campus sans vie. On ressent plus que jamais une angoisse d’interagir et de se faire connaître, une peur que nous avons rationalisée comme étant une manifestation de nos insécurités et un manque d’estime de soi.

Et les données confirment ce sentiment : dans un sondage auprès de 69 campus canadiens en 2022, l’anxiété a connu une hausse de 29 % depuis 2018. Dans le monde, on estime à 76,2 millions le nombre de cas supplémentaires de troubles anxieux en 2021, soit une augmentation de 25,6 % depuis le début de la pandémie.

La dépendance de la Génération Z aux appareils numériques n’a fait qu’exercer cette angoisse sociale. Il faut maintenant suivre le serveur de Discord de l’U d’O, la page Reddit des Gee-Gees, ou les médias sociaux des divers groupes afin d’avoir un semblant de sentiment de communauté sur notre campus. Certains clubs et associations sont d’ailleurs relativement inactifs, tandis que d’autres semblent complètement vides.

Une façon d’expliquer cette tendance est que la pandémie a interrompu le transfert du savoir aux nouveaux.elles étudiant.e.s et aux jeunes leaders. Le campus témoigne donc d’une génération d’étudiant.e.s qui tentent de recréer une ambiance qu’ils.elles n’ont jamais vécues, tout en s’adaptant à la situation sociale et économique dans l’ère post-pandémique.

Plus qu’un virus

Cette réalité doit néanmoins être nuancée par le fait que, pour ceux.celles d’entre nous qui étaient ici avant 2020, l’U d’O n’a jamais nécessairement été connue pour son esprit communautaire. Beaucoup plus qu’aujourd’hui, certes, mais l’absence de communauté sur notre campus ne peut pas être exclusivement, et parfois opportunément, imputée à un virus.

L’Université est responsable de la hausse des frais de scolarité qui pousse souvent les étudiant.e.s, à l’exception d’ici à La Rotonde, à se désengager de leur communauté pour être engagé.e.s auprès d’un.e employeur.euse. Elle est aussi responsable de son image publique qui s’est ternie ces dernières années. Pensons aux nombreux exemples d’incidents racistes, de coupes dans les programmes, de fléaux médiatiques, et de son hypocrisie en matière de liberté d’expression et de lutte contre le racisme. Certain.e.s d’entre-nous sont réticent.e.s à porter notre chandail des Gee-Gees en public…

Rebâtir cet « amour » pour l’Université nécessite une prise de conscience de la part de l’administration centrale ainsi qu’un effort actif de renouer les liens avec les étudiant.e.s et adapter l’offre de services pour répondre à leurs besoins. Compte tenu de ce qui précède, les départements et facultés doivent plus que jamais s’efforcer d’organiser des évènements, tels que des colloques et des séminaires dirigés par des étudiant.e.s, pour nourrir l’esprit de communauté de ces dernier.ère.s.

Se prendre en main

Les associations doivent également prendre du recul pour étudier leur stratégie de communication et donner la priorité à la création d’un sentiment d’appartenance. Plutôt que d’arranger des fêtes sporadiques, il faudrait organiser des activités régulières et basées sur la discussion afin de promouvoir le développement de liens significatifs. Les matchs des Gee-Gees témoignent du fait que l’esprit d’école n’est pas mort et qu’il suffit de le canaliser correctement.

La communauté étudiante a désespérément besoin de jeunes leaders qui peuvent prendre en main les clubs et les organisations à l’Université et s’y donner à fond pour intégrer les personnes intéressées. Au lieu de voter pour supprimer leur financement à chaque fois que nous en avons l’occasion, nous devons soutenir les individus qui peuvent apporter des changements significatifs (par exemple, fournir un financement adéquat aux clubs).

Cela nous amène au cœur de cette problématique : pour reconstruire et revitaliser le sentiment de communauté à l’U d’O, nous avons besoin de la volonté de chacun.e de s’investir dans ce projet. En classe, il faut oser approcher les autres et être vulnérable malgré nos craintes. Lors des évènements, les organisateur.rice.s doivent s’empresser d’intégrer des participant.e.s et des membres, et vice-versa. Il faut, en somme, retrouver un sens de fierté, d’unité et d’innovation après la tempête.

Il est nécessaire de prendre conscience de notre situation commune, être empathique envers les autres et envers soi-même, et surmonter la peur de partager nos idées pour s’assurer que nos valeurs soient transmises aux générations futures. Pour certain.e.s de nous à La Rotonde, il s’agit de notre dernier adieu en tant que Gee-Gees. Veillons à ce que notre travail, comme celui de nos prédécesseur.e.s et de nos successeur.e.s, se répercute sur les décennies à venir.

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