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L’aide fédérale luttant contre la crise du logement étudiant : une initiative gagnante ?

Hai Huong Le Vu
29 février 2024

Crédit visuel : Jürgen Hoth — Photographe

Article rédigé par Hai Huong Le Vu — Journaliste

Le 29 janvier dernier, le ministre fédéral du logement, de l’infrastructure et des collectivités, Sean Fraser, a annoncé que le gouvernement libéral allait prêter de l’argent aux institutions postsecondaires, aux organismes à but non lucratif et aux entreprises privées. Cette idée vise à soutenir la construction d’habitations estudiantines abordables dès l’automne 2024. La Rotonde s’est penchée sur les obstacles possibles à cette mesure et son incidence sur les étudiant.e.s à faible revenu.

Nick Revington, professeur-chercheur en études urbaines à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), reconnaît l’effort des autorités fédérales dans cette initiative. Selon lui, il s’agit de la première fois que celles-ci investissent dans les résidences universitaires depuis quelques décennies.

Obstacles aux logements pour étudiant.e.s

Le professeur-chercheur à l’INRS et Carolyn Whitzman, conseillère experte pour les Outils de ressources pour l’évaluation du logement (HART), constatent que les autorités canadiennes ont négligé les enjeux d’hébergement pour les étudiant.e.s depuis la fin des années 1980. Au niveau provincial, Revington affirme que le système de subventions postsecondaires n’incite pas les universités et les collèges à bâtir des résidences étudiantes. À l’échelle municipale, il avance que les dirigeant.e.s empêchent le développement des domiciles en surface. Ce problème, d’après lui, est entraîné par les règles de « zonage » qui décourage la construction de ceux-ci à proximité du campus.

La conseillère des HART mentionne que le gouvernement fédéral a essayé de retravailler ses stratégies de logement depuis 2017. Selon elle, ces dernières ne prennent pas en compte la croissance démographique canadienne, notamment influencée par l’immigration.

À présent, Revington divulgue que « dans plusieurs villes canadiennes, les politiques liées à l’urbanisme visent — de manière discriminatoire — à restreindre la concentration des étudiants ». Pour lui, les gouvernements à tous niveaux doivent revoir leurs orientations de planification citadine, afin de garantir qu’il y’ait assez de logements pour les personnes qui fréquentent des institutions postsecondaires.

La précarité renforcée

En parallèle avec la pénurie de résidences, Revington témoigne qu’une autre tendance est apparue : l’émergence de logements privés « haut de gamme ». Ces deux phénomènes ont incité ces étudiant.e.s à vivre dans des endroits « insalubres [et] surpeuplés ou à grande distance de leur université » pour économiser, divulgue l’expert en études urbaines.

Le 28 janvier, Radio-Canada a exposé que certain.e.s étudiant.e.s se tournent vers des organismes qui aident la jeunesse à risque d’itinérance, due à la réalité des coûts élevés des habitations. Alors que le gouvernement fédéral croit que le secteur privé s’occupera de la clientèle estudiantine, « il est clair que ce n’est pas le cas », commente Whitzman. Revington soutient que les entreprises s’intéressent uniquement à la rentabilité de leurs projets.

Pour régler le manque de domicile pour les personnes poursuivant leurs études postsecondaires, le spécialiste à l’INRS suggère que les libéraux investissent davantage dans le développement des logements sociaux. Cette dernière permettrait de freiner, voire inverser, la présence croissante du marché locatif étudiant privé, ajoute-t-il.

Le professeur-chercheur nuance que les universités et les autres organisations à but non lucratif doivent profiter de cette nouvelle mesure fédérale. D’après lui, celles-ci proposent des projets immobiliers plus « prometteurs », ce qui permettrait de surmonter le manque d’infrastructures pour loger les étudiant.e.s au Canada.

Initiative libérale abordable ?

En raison du faible niveau de revenu chez les jeunes, Revington remarque que cette catégorie démographique est aujourd’hui parmi celles des plus « affectées » par la crise du logement. « Beaucoup d’étudiants dépendent de prêts, de l’aide parentale ou de leurs épargnes pour payer le loyer », constate-t-il.

Pour Whitzman, les projets qui seront subventionnés par cette stratégie dans le futur ne résoudront pas la question de raisonnabilité. « Une grande partie des nouveaux endroits plantés et soutenus par le gouvernement fédéral ne sont pas abordables », témoigne-t-elle. D’après la conseillère au HART, environ 3 % des logements bâtis dans le cadre du système de prêts du Programme de prêts pour la construction d’appartements ont été accessibles aux individus à faible revenu.

Revington encourage les agents ministériels à subventionner davantage des programmes de résidences universitaires pour que ceux-ci soient bas de gamme. Il renchérit avec l’exemple de la Ville de Montréal, qui subventionne un projet de l’Unité de travail pour l’implantation de logements étudiants (UTILE). Selon lui, cet organisme à but non lucratif a proposé d’offrir des hébergements abordables pour les jeunes au Québec.

À court terme, Whitzman pense que cette mesure ne résoudra pas la crise de logement estudiantine au Canada. Elle informe qu’il y a plus de deux millions de personnes qui fréquentent actuellement des institutions postsecondaires canadiennes, bien que ces dernières disposent d’approximativement 100 000 loyers au total. L’experte au HART prévoit qu’il faudra attendre au moins sept ans pour avoir assez de bâtiments pour satisfaire la demande actuelle.

La province de l’Ontario a annoncé le 26 février l’attribution d’un montant de près d’un milliard de dollars pour combattre les déficits auxquels les universités et les collèges ontariens ont fait face au cours des dernières années.

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