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Le côté obscur du Web qui vide le portefeuille

Hai Huong Le Vu
29 novembre 2023

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice Artistique

Article rédigé par Hai Huong Le Vu — Journaliste

En ce mois de la littératie financière, La Rotonde s’est penchée sur les phénomènes de la fraude et de l’arnaque en ligne. Au cours de la première moitié de 2023, plus de 20 000 victimes ont perdu au moins 280 milliards de dollars sur le sol canadien en raison de ceux-ci. Que faut-il savoir pour se protéger de ces situations et les éviter ?

Marc Tassé, professeur de comptabilité à l’Université d’Ottawa (U d’O), informe que l’ère numérique facilite l’accès d’Internet au « large public », y compris les fraudeur.euse.s. Le cyberespace permet également aux arnaqueur.euse.s de se cacher anonymement, ce qui rend la recherche de ces dernier.ère.s plus « difficile », selon Tassé. Ce dernier déplore que le Web subisse un risque croissant de vols d’identité et de pertes financières : plus de deux sur cinq Canadien.ne.s témoignent qu’ils.elles ont été victimes d’au moins un type de fraude financière.

Reconnaître une arnaque en ligne

Selon Tassé et Omer Livvarcin, professeur de gestion à l’U d’O, des signes d’arnaque en ligne constituent des offres « trop belles pour être vraies », des pages web avec des fautes d’orthographe et de grammaire, ainsi que l’absence des indicateurs de sécurité tels qu’un cadenas ou un « s » dans « https : // ». Un sondage réalisé par les Comptables professionnels agréés du Canada (CPA Canada) révèle que 36 % des sondé.e.s partagent leurs informations financières sur des sites non sécurisés.

Les professeurs soulignent aussi des demandes de paiements « inhabituels » tels que des virements directs, notamment sur des plateformes gouvernementales comme celle de IRCC. Ils insistent également sur la demande « excessive » de renseignements personnels et financiers. En parallèle, presque deux sur cinq interrogé.e.s pensent que leur adresse ne doit pas être accessible en ligne, selon l’enquête de CPA Canada.

Livvarcin met en avant que les sites gouvernementaux se terminant par « .ca » ou « gc.ca » sont toujours en anglais et en français. « Si ce n’est pas le cas, il est préférable de vérifier la légitimité du site », suggère-t-il. CPA Canada expose que près de sept sur dix questionné.e.s ne vérifient pas ce caractère d’une adresse web.

Les étudiant.e.s, proie des arnaqueur.euse.s

Selon l’étude de CPA Canada, plus de 60 % des jeunes ont subi au moins une fraude financière. Selon Tassé, les étudiant.e.s sont victimes d’arnaques sur Internet pour plusieurs raisons : ils.elles souhaitent économiser de l’argent, et ceux.celles-ci sont exposé.e.s à des médias sociaux où les arnaques sont répandues. Les étudiant.e.s ne sont également pas vigilant.e.s face aux offres d’emplois ou de stages frauduleux, et manquent d’expérience avec les transactions en ligne, ajoute-t-il.

64 % des interrogé.e.s du même sondage sur la fraude de CPA Canada confient qu’ils.elles ne s’accordent pas du temps de réflexion avant de faire une transaction en ligne. De la même enquête, au moins un sur dix questionné.e.s admettent que ces dernier.ère.s cliquent le lien dans un courriel qui leur amène directement sur la page de transaction.

Afin d’améliorer cet enjeu, le professeur de comptabilité propose de renforcer la sensibilisation et l’éducation sur les risques en ligne et d’améliorer la législation et la coopération internationale pour suivre les fraudeur.euse.s. Le développement des outils technologiques pour détecter et bloquer des arnaques permettra de traiter cette problématique, ajoute-t-il. Ce dernier poursuit en encourageant la signalisation par les utilisateur.rice.s, puisque 9 % des questionné.e.s du sondage admettent qu’ils.elles ne parlent à personne quand ils.elles sont victime d’une fraude.

Enjeu qui se complique

Livvarcin signale l’entrée d’un « nouveau joueur ». « L’émergence de l’intelligence artificielle (IA) est en train de changer radicalement la scène de l’escroquerie en ligne », commente le professeur de gestion. Il s’agit d’un outil permettant l’automatisation et la personnalisation des arnaques, poursuit-il. Ce dernier ajoute que l’IA pourra rendre les arnaques en ligne plus « convaincantes », en prévoyant l’adaptation des messages trompeurs à chaque personne ainsi que la création des faux sites web et de faux courriels.

En instaurant « un climat de confiance », l’IA est aussi capable de converser avec les cibles sans l’intervention d’un être humain, constate Livvarcin. Ce dernier explique que cet instrument s’apprend à imiter le langage humain, ce qui permet à l’escroquerie d’être « plus réelle ».

Une autre force de l’IA, selon lui, est la capacité d’analyser de grandes quantités de données afin d’identifier des victimes « potentielles », d’interagir avec ces dernières à une grande échelle, créant une pandémie de fraude en ligne. « Mais il n’y a pas que des malheurs : l’IA est aussi au service des gentils », nuance le professeur. Il reconnaît que celle-ci facilite aussi les tâches telles que détecter et arrêter les fraudes.

Tassé conclut que le mécanisme des fraudes en ligne est aujourd’hui bien « sophistiqué », et fait appel à protéger le bien-être financier des internautes. Les enjeux liés à l’exploitation financière de ceux.celles-ci ne semblent être rien de nouveau, comme le démontre la discussion autour de la vente de billets sur Ticketmaster.

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