Face aux lacunes systémiques, un mentorat par et pour les personnes noir.e.s de l’U d’O
Crédit visuel : Courtoisie PMN
Article rédigé par Nisrine Nail — Cheffe du pupitre Actualités
Une initiative désignée au soutien académique et au développement professionnel prend vie à l’Université d’Ottawa (U d’O) : le programme de mentorat pour les étudiant.e.s noir.e.s (PMN) de premier cycle et aux études supérieures. Développé par Karine Coen-Sanchez et Marthe Foka, cofondatrices et candidates au doctorat à l’U d’O, ce projet a pour objectif de rendre des ressources et informations accessibles à la communauté étudiante noire et de l’accompagner à atteindre son plein potentiel.
Des expériences suscitant un changement
« À force d’être dans des milieux dominés par les Blancs, on remarque des barrières visibles et invisibles qui bloquent nos avancements. On n’en parle pas beaucoup dans le milieu académique parce que c’est une institution coloniale », signale Coen-Sanchez, doctorante en sciences sociales. Elle explique que, malgré avoir grandi au Canada, elle s’est « toujours sentie déconnectée » du système et des services académiques d’ici. La cofondatrice relate ne pas pouvoir imaginer ceux.celles qui ne sont pas né.e.s au pays.
Foka, doctorante en éducation, renchérit qu’elle a mis les pieds sur le territoire canadien en 2017. Elle a constaté que l’obtention d’informations essentielles et la compréhension des attentes des institutions étaient tout un défi dans son parcours. Foka témoigne d’ailleurs avoir « vécu plusieurs enjeux » à l’U d’O. « Lorsque j’ai reçu ma lettre d’admission, on m’a demandé de choisir mes cours. Je me suis interrogée sur ce que cela signifiait, car d’où je viens, les étudiants reçoivent une liste de cours automatiquement pour chaque session », confie la cofondatrice. Elle raconte leur avoir avoué qu’elle ne comprenait pas, et qu’il a fallu qu’elle consulte plusieurs services pour obtenir une explication.
Coen-Sanchez relate que Foka et elle-même ont décidé de créer un espace afin d’aborder leurs expériences et de faire face aux obstacles d’accessibilité et de renseignement. La candidate au doctorat en sciences sociales tient à souligner que c’est le système qui est « un déficit », et non les étudiant.e.s noir.e.s. À son avis, ces dernier.ère.s ne peuvent exceller à leur plein potentiel en raison des limites établies par l’institution. « On s’était dit que, si on mettait sur pied un tel programme, ça pourrait aider à répondre aux besoins d’une population assez large et qui est de plus en plus grandissante au sein de l’Université. Du côté anglophone comme du côté francophone », précise Foka.
La vision du projet et le soutien de l’U d’O
La doctorante en éducation énonce que le PMN recrutera des personnes ayant accumulé des expériences diverses qui serviront de mentor.e.s aux étudiant.e.s noir.e.s en quête d’orientation. La question principale à laquelle ce programme tente de répondre, développe Foka, est la suivante : « Qu’est-ce qui est important à savoir pour réussir ses études à l’U d’O ? ». Elle spécifie vouloir « créer une cartographie » de questions que se posent la plupart des élèves qui ne sont pas familier.ère.s au système éducatif canadien ou qui ont vécu.e.s de la marginalisation.
Sa collègue Coen-Sanchez informe qu’elles ont rencontré plusieurs clubs d’étudiant.e.s noir.e.s à l’U d’O. « On a senti une belle volonté de leur part pour s’impliquer », se réjouit la cofondatrice. Foka désire interagir avec des diplômé.e.s qui pourraient servir de contacts et de références aux élèves sur le marché du travail.
Foka ajoute qu’il était essentiel que le PMN fasse partie de l’un des cabinets de l’U d’O pour être reconnu sur le campus et que toute la communauté étudiante — peu importe le champ d’études — puisse bénéficier du projet. Les cofondatrices expriment avoir communiqué avec le vice-provost équité, diversité et excellence en matière d’inclusion, Awad Ibrahim. Celui-ci a intégré le projet à son cabinet, sans modifier ou influencer leur optique, ce qu’elles affirment apprécier. « Il nous a écoutées, il a respecté nos idées, puis il a créé un espace pour nous », détaille Coen-Sanchez.
Foka souligne qu’Ibrahim a proposé un soutien financier auprès de la Fondation Gertrude Miller Potter. « Initialement, on ne cherchait même pas de fonds », témoigne la candidate au doctorat en éducation. Elle énonce que ce financement permettrait la création d’un site web, l’organisation d’évènements et l’acquisition de ressources pour soutenir les élèves.
Dans les mois à venir…
Les cofondatrices, malgré l’approche de l’obtention de leur doctorat, comptent rester actives au sein du PMN. « Au moins jusqu’à ce que ce [programme] soit solidement ancré et qu’il prenne forme complètement », assure Foka. Coen-Sanchez convient qu’elles s’impliqueront jusqu’à ce que d’autres personnes adoptent leur vision, ce qui ne l’inquiète pas en raison de la « flamme » de la communauté des Gee-Gees.
Les deux doctorantes font savoir qu’elles joueront un rôle de coordination, de relais, de recrutement et d’organisation dans les prochaines semaines. Elles annoncent se préparer pour le mois de septembre prochain afin d’être capables de recevoir les étudiant.e.s noir.e.s nécessitant des éclaircissements ou un accompagnement. La doctorante en éducation avance que leur objectif « est de ne pas dire non à quelqu’un […] ou de lui dire qu’il est sur une liste d’attente ».
Coen-Sanchez réitère que la communauté noire n’est pas une victime et que ce projet cherche à répondre aux failles institutionnelles. « Il y a de l’excellence ; c’est dommage qu’on ne prenne qu’un mois pour le souligner. On crée cet espace pour que le mois devienne l’année de l’histoire des Noirs », observe la doctorante en sciences sociales. Foka souhaite que le PMN soit significatif à la formation des étudiant.e.s de l’U d’O et que ces dernier.ère.s récoltent enfin les fruits de leurs efforts.
Pour communiquer avec le programme ou en savoir plus, veuillez rédiger un message à l’adresse courriel bmp-pmn@uottawa.ca. Vous pouvez aussi les retrouver sur X (@BmpPmn_Uottawa) et Instagram (pmn.bmp_uottawa).