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Éditorial rédigé par le comité de rédaction de La Rotonde
Par un effort de communication des plus remarquables, l’Université d’Ottawa (U d’O) annonçait par courriel, le 30 mai dernier, une nouvelle augmentation des frais de scolarité. Dans un contexte économique oppressant où les étudiant.e.s peinent à se loger, voire à se nourrir, ce nouveau fardeau financier suscite colère et incompréhension.
« L’Université est consciente des pressions financières exercées sur les étudiantes et les étudiants. Nous faisons tous les efforts possibles pour vous offrir un enseignement de grande qualité et protéger l’accès aux études postsecondaires pour le plus grand nombre ». Ce sont ces mots que l’administration a choisis pour annoncer la nouvelle à sa communauté étudiante. Non ce n’est pas du sarcasme, c’est simplement une façon de vous dire que l’on va vous prendre plus d’argent en essayant de mettre les formes. Pour l’habileté communicationnelle, on repassera.
Vous l’aurez donc compris, l’U d’O va une nouvelle fois se tourner vers ses étudiant.e.s pour se remplir les poches. Non pas que celles-ci soient vides, simplement pas encore assez pleines.
Culture du profit
Si la situation financière de l’établissement, ou encore des investissements dans l’enseignement la justifiait, une hausse des frais de scolarité pourrait être entendue. Cependant, il s’avère qu’aucune de ces deux raisons n’est derrière la poursuite de cette politique. L’objectif de l’U d’O est tout simplement de faire du profit et les étudiant.e.s représentent pour elle une ressource financière au même titre qu’une autre.
Souvenez-vous. Le 7 octobre 2021, l’administration, se vantant de sa capacité à « rester agile face aux défis et aux incertitudes tout en maintenant une gestion financière prudente », annonçait un surplus budgétaire avoisinant les 42 millions de dollars. Une bonne année ne représente pas nécessairement la situation financière dans sa globalité, pensez-vous ? Oui, mais le fait est que la balance penche du bon côté lors de chaque exercice, pour parler en langue comptable, qui visiblement est la seule vraiment universelle à l’U d’O. 36 millions de dollars d’excédent en 2019-2020, 91,8 millions en 2018-2019, 69,8 millions en 2017-2018. Vous avez saisi, l’Université n’est pas dans le besoin, loin de là.
Comment donc justifier cette nouvelle hausse des frais de scolarité ? Parce que oui, il ne s’agit bien évidemment pas d’une mesure exceptionnelle. Ces augmentations sont devenues religion à l’U d’O et chaque année représente une nouvelle opportunité de siphonner encore un peu plus le portefeuille des étudiant.e.s. Pour rappel, lors de l’exercice 2020-2021, ce sont (déjà) les étudiant.e.s internationaux.ales francophones qui avaient payé le prix de ces gourmandises budgétaires.
Comme si leurs frais de scolarité n’étaient déjà pas assez élevés, l’administration avait alors décidé de remplacer l’exonération partielle dont ils.elles bénéficiaient depuis 2014 par une bourse d’exonération partielle. Un mot qui change tout puisque par exemple, cela traduisait une augmentation d’environ 2000 dollars par semestre pour un.e étudiant.e en sciences sociales. Habile comme manœuvre, n’est-ce pas ?
Un nouvel assaut contre la francophonie
Le cursus au premier cycle sera donc plus onéreux de 5 % pour les étudiant.e.s canadien.ne.s provenant d’une autre province que l’Ontario. En ce qui concerne les étudiant.e.s internationaux.ales, ce sera de l’ordre de 5,5 % pour celles et ceux étant déjà membre de la communauté uottavienne, et de 7 % pour les nouvelles.aux arrivant.e.s. Une facture qui commence à devenir salée, surtout pour étudier dans un établissement présentant une offre de cours en français relativement limitée et des services francophones variant entre la médiocrité et l’inexistence.
Le lien entre augmentation des frais de scolarité et francophonie ? Sans oublier les étudiant.e.s provenant des autres provinces, les étudiant.e.s internationaux.ales à l’U d’O (les plus touché.e.s par cette réforme budgétaire) sont en bonne partie francophones. Par conséquent, cette crise d’avarice de l’administration n’est rien de moins qu’une nouvelle attaque à l’encontre de cette minorité linguistique du campus. Et ce ne sont pas les belles déclarations du recteur affirmant « l’attachement profond de [l’établissement] à l’endroit de la francophonie » qui suffiront à prouver le contraire. Vous vous rappelez du fameux rapport « Renouveau de la francophonie à l’U d’O : une responsabilité collective », datant de mars 2021 et qui concluait sur un besoin de redynamiser « la production de communications bilingues » ? Et bien rien de nouveau sous le soleil, c’est juste que maintenant ça coûte plus cher.
Et que dire du choix de cours ? Si vous avez cherché à étudier en français durant le semestre d’été, cela vous a probablement marqué. L’offre était littéralement dérisoire. À titre d’exemple, un.e étudiant.e en histoire avait le choix entre quatre cours, incluant un séminaire. En sciences politiques, six cours étaient proposés, dont trois de quatrième année. Et pour les Études féministes et de genre, le choix n’était pas cornélien puisque seul un cours de deuxième année était disponible. Cela va donc sans dire que l’Université se contente de proposer le minimum à ses étudiant.e.s francophones. Et s’il est vrai que l’offre de cours en français des trimestres automnaux et hivernaux est plus fournie, celle-ci n’est toutefois pas comparable à celle des étudiant.e.s anglophones. Vous l’aurez deviné, ce n’est probablement pas ici que va votre argent.
Dans les services peut-être ? Si l’on se penche du côté des services médicaux, on ne semble pas trop se préoccuper non plus du besoin de consulter dans sa langue natale. Concernant les activités parascolaires offertes en français, l’offre est quasiment inexistante. Et comme un symbole, le Carrefour francophone, se vantant d’être le centre de « la vie socioculturelle francophone » de l’Université semble être entré dans un état de décomposition avancé depuis la pandémie. Vos frais de scolarité ne servent donc pas non plus à financer votre intégration universitaire, en tout cas pas si vous êtes francophone.
La cerise sur le gâteau
Vous commencez peut-être à réaliser que votre numéro d’étudiant n’est qu’un numéro de facture ? Prenez le bon côté des choses, vous pouvez encore compter sur vos résultats pour alléger vos frais de scolarité. Les nouveaux.elles arrivant.e.s en revanche n’auront plus cette chance. L’U d’O, avec sa franchise légendaire, a en effet décidé de supprimer la bourse au mérite lors de la réunion du Bureau des gouverneurs du 30 mai dernier, sans prendre la peine, par la suite, de l’annoncer. D’une valeur de 1000 dollars par semestre, celle-ci venait récompenser le travail acharné des étudiant.e.s les plus investi.e.s. C’est désormais de l’histoire ancienne, vous paierez et c’est tout !
D’après le service des relations médias de l’institution, ce choix a été fait suite à « l’introduction des notes qualitatives […] en période de pandémie, [celle-ci ayant] permit à un bien plus grand nombre de personnes d’être admissibles, ce qui a aussi exacerbé les pressions sur la stabilité financière de l’Université ». Stabilité financière de l’Université ? Vraiment ?
Bref, vous l’aurez compris, l’U d’O ne recule devant rien quand il est question d’argent, peu importe si les communiqués se contredisent. Il s’agirait toutefois d’annoncer et d’assumer les décisions prises, surtout lorsque celles-ci viennent mettre en péril les besoins fondamentaux de la population étudiante. Non, l’Université d’Ottawa ne protège pas l’accès aux études postsecondaires, elle le torpille.