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90e anniversaire de La Rotonde
Éditorial

La Rotonde souffle sa 90e bougie !

Rédaction
21 novembre 2022

Crédit visuel : Nicholas Monette – Directeur artistique

Éditorial rédigé par le comité de rédaction de La Rotonde

Ce lundi 21 novembre est un jour spécial dans l’univers uottavien. Il s’agit du 90e anniversaire du journal étudiant francophone, La Rotonde. À cette occasion, revisitons ensemble son histoire et voyons pourquoi, après 90 ans d’existence et de multiples péripéties, sa plume continue à couler.

Le 21 novembre 1932. C’est la date à laquelle est paru pour la première fois le journal étudiant francophone de l’Université d’Ottawa (U d’O), La Rotonde. Au-delà d’un simple journal étudiant, c’est une institution qui est née ce jour-là avec un mandat clair, mais difficile : celui de défendre bec et ongles la francophonie sur le campus de l’Université de la capitale fédérale.

Une histoire riche…

Si sa mission a traversé les décennies sans prendre une ride, ses valeurs ont toutefois évolué au fil du temps. À l’origine, c’est le conservatisme qui transpire entre les lignes du journal, le contenu étant contrôlé par Les Pères Oblats. La Rotonde condamne alors le communisme et l’athéisme, tout en véhiculant le conformisme catholique. 

C’est au cours des années 1950 que sa plume va se doter de son caractère revendicateur et que le journal des étudiant.e.s francophones va opérer une rupture. Au cours de cette décennie, il fera publiquement appel à tous les journaux étudiants du Canada pour demander un renforcement du bilinguisme au sein de la Presse universitaire canadienne. Un élan mobilisateur qui lui vaudra, en 1956, l’honneur de recevoir le titre de publication la plus censurée au pays. Sur sa lancée, La Rotonde échappera de peu à un vote de censure, en 1967, de l’ancienne association étudiante (AGÉUO), qui voulait alors responsabiliser les lignes de son contenu éditorial.

Concernant son contenu, lui aussi va évoluer au fil des ans. Alors que le journal traite initialement de politique universitaire, il va élargir son champ d’intérêt pour y inclure des thèmes du quotidien étudiant au sens large du terme. On discute alors d’Ontario français, de condition féminine, d’inclusion, de racisme ou encore d’environnement. Autant de sujets qui enrichissent non seulement ses lignes, mais également ses valeurs.

L’entrée dans le 21e siècle liera quant à elle le destin de La Rotonde à celui de la Fédération étudiante (FÉUO), aujourd’hui défunte. Alors que cette dernière censure une édition complète du journal en 2002, elle empêche également son directeur général d’occuper ses fonctions en 2006. 

Ce divorce mènera à l’indépendance complète de l’hebdomadaire francophone en 2008, mais les deux institutions n’en auront toutefois pas terminé. La Fédération étudiante essaiera de faire nommer ses représentant.e.s sur le Conseil d’administration du journal en 2017, avant qu’en 2018, La Rotonde ne publie les allégations de fraude et l’enquête sur l’environnement de travail toxique au sein de l’organisation étudiante. Ses éditoriaux demanderont alors la destitution des membres incriminé.e.s et la tenue d’un référendum sur l’existence de la FÉUO, qui mènera ultimement à sa disparition.

… et humaine 

Si l’institution rotondienne s’est érigé un palmarès et forgé une identité au cours des décennies, elle le doit évidemment aux personnes qui ont collaboré de près ou de loin avec elle. Avant toute chose, c’est en effet cela La Rotonde. Ce sont ces échanges avec les membres de la communauté universitaire, qu’ils.elles soient étudiant.e.s, professeur.e.s, Gee-Gees ou employé.e.s, qui rendent le quotidien du campus plus enthousiasmant. C’est parfois des coups de gueule, parfois la mise en lumière de prouesses sportives, parfois de l’appréciation artistique et parfois des scandales. Mais surtout, La Rotonde c’est vous. Vous tou.te.s qui donnez vie à ces grands et froids bâtiments de Tabaret à Minto, et qui prenez le temps de lire ces lignes.    

Ceux et celles qui ont eu, ou qui ont, la chance d’y travailler seront unanimes sur un point : La Rotonde est aussi une école. Et pas seulement une école où l’on s’essaye au journalisme, une véritable école de vie. Travailler au 109 rue Osgoode, c’est certes passer des heures à trouver des sujets, à écrire, à corriger, à réécrire, à recorriger et à finalement publier. Mais c’est surtout rencontrer de nouvelles personnes provenant des tous les horizons, apprendre à les connaître pour continuer à écrire ensemble l’histoire de ce précieux journal. C’est également s’entretenir avec toutes sortes de personnages, d’une ministre fédérale à une représentante du convoi de la liberté. Autant d’expériences qui sont d’une richesse inestimable lorsque l’on est encore qu’un.e « simple » étudiant.e.

La Rotonde, ce sont donc ces étudiant.e.s qui, pour un modeste salaire, sont prêt.e.s à s’investir au quotidien afin de produire son contenu. Des étudiant.e.s qui, déjà surchargé.e.s par leurs travaux universitaires, donnent encore de leur temps pour continuer à porter la voix des protagonistes de l’U d’O et défendre corps et âme la francophonie en son sein. Des étudiant.e.s qui s’autorisent finalement à rêver, puisque de grands noms du journalisme canadien d’aujourd’hui sont en effet passés dans les rangs rotondiens. Du célèbre chroniqueur Patrick Lagacé au non moins renommé journaliste politique et d’enquête Daniel Leblanc, tou.te.s ont tenté l’expérience. Et si prétendre que La Rotonde aurait lancé leurs carrières serait certainement prétentieux, affirmer qu’elle leur aura tout de même mis le pied à l’étrier paraît tout à fait légitime.

Un rôle crucial

Au-delà de l’institution elle-même, c’est ultimement dans son rôle sur le campus que La Rotonde se veut essentielle. À une époque où les journaux étudiants peinent à survivre, comme en témoigne le sauvetage in extremis des publications étudiantes de l’Université McGill la semaine passée, garder un outil d’expression libre et indépendant paraît en effet crucial pour dénoncer, entre autres, les manœuvres louches des administrations. L’enseignement universitaire nord-américain étant un business bien juteux au cœur duquel les établissements sont gérés comme des entreprises, la nécessité de maintenir un contre-pouvoir, aussi modeste soit-il, semble primordiale.

Si La Rotonde sert à dénoncer les abus de l’U d’O, elle œuvre également à combler son mutisme. Au cours des dernières années, l’administration semble être entrée dans une phase d’hibernation prolongée puisqu’elle est systématiquement aux abonné.e.s absent.e.s lorsqu’il s’agit de défendre ses politiques. De la suppression de la bourse au mérite à l’affaire Lieutenant-Duval, toutes les décisions ont l’air d’être sous embargo pour une durée indéterminée. Le rôle du journal étudiant est dans ces cas-ci essentiel si la communauté universitaire, et non seulement les étudiant.e.s, veut continuer à se faire une idée du milieu dans lequel elle évolue.

Au-delà de son rôle de dénonciateur, La Rotonde permet également d’enrichir l’expérience universitaire de toutes et tous en favorisant l’échange au sein du campus et en mettant en relation des personnes provenant de milieux distincts. Souvent perçue comme une épine dans le pied par l’Université, elle est tout de même assez objective pour souligner aussi ses réussites. Que ce soit son ascension au classement mondial des universités, ou ses réussites environnementales, La Rotonde a toujours mis en lumière ses prouesses, au même titre que celles des étudiant.e.s. C’est d’ailleurs cette objectivité qui lui vaut certainement sa présente renommée. En effet, peu nombreux.ses sont ceux et celles ayant fréquenté l’U d’O ou œuvrant dans le journalisme francophone ottavien qui ne connaissent pas ce journal étudiant.

Finalement, que vaudrait cet éditorial si l’on passait sous silence son rôle de garde-fou contre l’anglicisation toujours grandissante ? Si œuvrer pour le bilinguisme était sa fonction première lors de son jeune âge, force est de constater qu’il y a encore aujourd’hui matière à lutter. Malgré quelques timides avancées réalisées au cours des dernières années concernant la francophonie, le quotidien d’un.e anglophone n’est toujours pas comparable à celui d’un.e francophone à l’Université d’Ottawa.



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