Inscrire un terme

Retour
Actualités

Entrevue avec Max Christie : pour ou contre s’engager en politique étudiante ?

Nisrine Nail
17 avril 2024

Crédit visuel : Max Christie — Courtoisie

Entrevue réalisée par Nisrine Nail — Cheffe du pupitre Actualités 

Depuis sa première année à l’Université d’Ottawa (U d’O), Max Christie, étudiant de quatrième année en philosophie et science politique, participe à la vie politique du campus. Après s’être présenté à plusieurs reprises durant les élections du Syndicat étudiant de l’U d’O (SÉUO), il s’est fait élire pour la première fois cette année en tant que directeur au sein du Conseil d’administration (CA) du SÉUO. La Rotonde fait un retour sur son parcours et ses opinions sur la politique étudiante. 

La Rotonde (LR) : Pourquoi pensez-vous que vous n’avez pas été élu avant cette année ?

Max Christie (MC) : Je ne suis pas très doué pour interagir avec les autres étudiant.e.s et faire des campagnes. Ce qui a fonctionné cette fois-ci, c’était de mener une campagne de mèmes. C’était un peu ironique, car je n’ai pas utilisé les mêmes déclarations que les candidat.e.s qui veulent adhérer au SÉUO utilisent typiquement, soit leur amour pour le Syndicat et leur volonté de le changer. Beaucoup de personnes, comme moi, deviennent blasées au fil du temps et s’éloignent de cette organisation. J’ai été découragé, mais j’ai continué à m’engager sans prendre les choses trop au sérieux.

LR : Sur ce, que pensez-vous du Syndicat ? 

MC : Je ne pense pas que le SÉUO soit bon pour ses membres. La façon dont il est administré nuit activement à sa mission. Les problèmes proviennent principalement du fait qu’un groupe d’ami.e.s contrôle l’ensemble de l’institution. Cette année, nous avons parlé du fait que personne ne vote, que personne ne participe, que ce sont les mêmes personnes qui se présentent à chaque réunion. C’est le résultat d’un important manque de démocratie. Ceux.celles qui observent les dynamiques du Syndicat ne les comprennent pas, ou les trouvent toxiques et se sentent mal à l’aise, alors ils.elles ne veulent pas participer.

Les amitiés entre les administrateur.ice.s du Syndicat posent problèmes, car certain.e.s membres du CA se sentent exclu.e.s et ne s’engagent donc pas. Les informations sont souvent échangées en dehors des réunions du CA ; je dirais que seulement 20 % des échanges ont lieu de manière officielle lors des rencontres entre comités. Il se passe beaucoup de choses en coulisses dont nous ne pouvons pas parler, ce qui complexifie le processus. Ce serait acceptable s’il s’agissait d’un conseil d’élèves de secondaire, mais nous contrôlons cinq millions de dollars.

De plus, il existe un problème culturel étrange où les membres du SÉUO pensent qu’ils.elles sont mieux placé.e.s que d’autres étudiant.e.s lorsqu’il s’agit de prendre des décisions en matière de gouvernance. Nous donnons également trop de pouvoir à nos comités. Par exemple, si vous voulez apporter des changements aux clubs, vous devez d’abord vous adresser au comité des clubs. S’il décide de ne pas les considérer, c’est fini. Le comité peut faire tout dans son possible pour que la question ne soit pas débattue au CA, à moins que les membres exécutifs ne souhaitent en débattre.

Nous [les membres du SÉUO] devons faire un effort actif pour encourager les étudiant.e.s à participer. Il faut nous concentrer sur la construction d’une culture démocratique. Pour cela, nous devons nous assurer d’être très transparent.e.s. Être activement conscient de la question des cliques est aussi important, car il vaut mieux essayer de s’y attaquer plutôt que de l’éviter et prétendre qu’elle n’existe pas. Il y a eu une légère amélioration, il s’agit juste de continuer d’avancer dans la bonne direction.

LR : Avez-vous remarqué une évolution depuis vos débuts en politique étudiante ?  

MC : Le plus grand changement dont j’ai été témoin est la mobilisation d’une petite communauté active prête à débattre au sein du CA. Ce n’était pas le cas auparavant. Aujourd’hui, il y a un groupe de personnes résolues à critiquer le Syndicat et à le faire à l’interne, ce qui est super. Toutefois, les structures de pouvoir en jeu sont très puissantes, il faut beaucoup d’efforts pour s’y opposer. La structure de gouvernance exerce une pression institutionnelle qui te pousse à ne pas faire secouer le bateau et à rester silencieux.

Une bonne partie du CA pense qu’il ne leur incombe pas de dire quoi que ce soit qui projette une image négative du Syndicat. Cela crée un déséquilibre, car nos membres exécutifs sont rémunéré.e.s, contrôlent les employé.e.s et président les réunions. Contester leurs opinions suscite des craintes chez les membres bénévoles. Si vos propositions ne sont pas soutenues par un.e de leur membre, elles risquent de disparaître. Rien de tout cela n’est malveillant, mais ça arrive.

LR : Dans votre temps en politique étudiante, y a-t-il eu des moments qui vous ont marqué ? 

MC : L’un d’entre eux a été l’adoption du nouveau code électoral. Ce renouvellement améliore notre politique et la rend plus flexible, ce qui nous permet de faire face à de nombreuses crises qui surviennent au cours des élections. Le code est moins contraignant pour les candidat.e.s, ce qui, je l’espère, encouragera un plus grand nombre d’étudiant.e.s à se présenter et à s’impliquer.

Le deuxième moment marquant a été la réunion que nous avons eue en septembre 2023 sur le code de conduite des directeur.rice.s. Le CA a adopté une position très claire selon laquelle nous sommes autorisés à critiquer le Syndicat et à avoir des débats sains.

LR : Avez-vous des regrets en ce qui concerne votre engagement ?

MC : Il y a deux possibilités pour quelqu’un comme moi. La première option est de s’impliquer et d’essayer d’arranger les choses. La seconde est de se désengager et de critiquer de l’extérieur. J’ai choisi la première option, et je suis d’avis que c’est la meilleure. C’est une bataille difficile, la culture est contre nous et il faudra des années avant que nous soyons fier.ère.s de notre syndicat. Certain.e.s avancent qu’adhérer au SÉUO lui confère plus de légitimité qu’il ne mérite. Je me suis souvent posé cette question.

Si je regarde rétrospectivement ce que j’ai fait en matière de politique adoptée, je constate que nous avons un nouveau code électoral, nous engagerons possiblement un.e ombudsman, nous avons une nouvelle politique en place pour les questions de discipline et d’équité au sein des clubs et nous enregistrons les réunions du CA. Le ratio n’est pas très élevé par rapport au nombre de fois où j’ai essayé de faire passer des idées, mais cela s’explique partiellement par le fait que je ne suis pas apte à persuader les gens. Bref, je ne sais pas si je regretterai d’avoir participé à la politique étudiante. Nous verrons s’il y a des répercussions de mon passage dans quelques années.

LR : Quelles sont les leçons que vous avez apprises ? 

MC : J’ai appris à séparer le personnel du politique et du professionnel. C’est le conseil que je donnerais à ceux.celles qui veulent s’impliquer dans la politique étudiante, parce que personne ne devrait perdre un.e ami.e à cause d’un débat.

Participer au sein du Syndicat est probablement la meilleure illustration que j’ai pu avoir du réel fonctionnement de la politique, c’est-à-dire les dynamiques qui se produisent au sein d’une institution. C’est un très bon microcosme de la manière que les institutions comme les universités opèrent et comment elles poussent les gens à agir d’une manière ou d’une autre, tout en le cachant mieux que le SÉUO.

LR : Quels sont vos espoirs pour l’avenir du SÉUO ? 

MC : Je suis prudemment optimiste. J’espère que le nouveau CA continuera à travailler sur l’amélioration de la culture interne du Syndicat. Il est évident qu’il y aura toujours des problèmes, surtout que le SÉUO est dirigé par des étudiant.e.s de premier cycle, mais je pense qu’il peut s’amender.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire